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révolution, et les constitutions de 1815 étaient remplacées par des constitutions libérales.

Malheureusement le parti vainqueur, en 1830 ne montra pas en Suisse la modération qu’il avait montrée en France. La plupart des novateurs passèrent le but. Au lieu de s’arrêter à la liberté, on alla jusqu’au radicalisme. Malgré cet entraînement à peu près inséparable du mouvement d’une révolution, les nouveaux gouvernemens s’établirent et se consolidèrent si bien, qu’il serait insensé maintenant au parti de l’ancien régime d’essayer de revivre. Les idées radicales n’ont pas un danger aussi prompt en Suisse qu’ailleurs. Les mœurs y sont trop simples et les esprits trop droits pour que l’anarchie y porte tous ses fruits. C’est surtout dans leurs rapports avec les puissances étrangères que les Suisses sentent le besoin d’avoir un gouvernement. Pour tout ce qui regarde leurs affaires intérieures, le respect de l’individu pour l’individu est passé dans leurs habitudes, si bien qu’il peut jusqu’à un certain point leur tenir lieu de fortes institutions.

Les divergences politiques ne sont pas les seules causes des troubles qui existent dans ce pays, le plus divisé de l’Europe sous tous les rapports. À la querelle du radicalisme et de l’aristocratie vient se joindre la querelle de la réforme et du catholicisme. La Suisse a été au seizième siècle le théâtre de guerres religieuses acharnées ; elle a même été une des patries de la réforme, car les prédications de Zwingle furent contemporaines de celles de Luther, et le mouvement contre l’église fut spontané à Zurich aussi bien qu’en Saxe. Aucun des deux partis n’ayant complètement vaincu à cette époque, il en est résulté que le territoire de la Suisse est resté très inégalement morcelé entre les deux communions. Les plus anciens cantons, comme Uri, Schwytz et Unterwald, sont restés catholiques ; d’autres sont protestans, comme Berne et Zurich ; d’autres sont mixtes, c’est-à-dire mêlés de protestans et de catholiques, comme Saint-Gall et Argovie. Dans le canton d’Appenzell, les luttes religieuses furent si vives, que l’on convint, en 1597, de diviser ce canton en deux parts ; les catholiques s’établirent dans l’une et les protestans dans l’autre ; de là l’origine des deux demi-cantons connus sous les noms d’Appenzell intérieur et d’Appenzell extérieur.

Ce qui subdivise la Suisse à l’infini, c’est que les grandes fractions des partis politiques n’y correspondent pas aux grandes fractions des partis religieux. Il y a presque dans chaque canton une combinaison différente. Avant la révolution de 1789, les cantons dits démocra-