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ÉLEUSIS.

Et devant sa lueur qui chassait des chimères
Ils voyaient s’éclipser bien des figures chères.

Quand l’oracle se tut, une invisible main
Frappa le vase ardent qui se rompit soudain,
Et de dieux en débris la terre fut couverte.
S’élançant à grands jets de sa prison ouverte,
La flamme inonde l’antre ; éblouis, aveuglés,
Par ces vives splendeurs sentant leurs yeux brûlés,
Regrettant l’ombre antique et fuyant la lumière,
Les hommes à grands pas sortent du sanctuaire.

III.

La grève d’Éleusis entendit des sanglots
Se mêler, tout le soir, au bruit calme des flots ;
Et des pas retentir, et des voix désolées
Se plaindre en chœur dans l’ombre, ou gémir isolées.

LE CHOEUR.

Ah ! la terre est déserte et le ciel dépeuplé !
Quel est ce Dieu secret dont l’oracle a parlé ?
Pourquoi s’enferme-t-il en des lieux invisibles ?
Les nôtres se montraient sous des formes sensibles,
Et les hommes ravis adoraient sans efforts
Les esprits immortels parés de ces beaux corps.
Mais toi, Dieu solitaire au-delà des nuages,
Qui saura pour l’autel nous tailler tes images ?
De quelles fleurs te ceindre et de quels traits t’armer ?
Et, si nul ne t’a vu, qui donc pourra t’aimer ?
Quand on aura brisé les idoles des temples,
De quels dieux les héros suivront-ils les exemples ?
Les autels vont crouler, les vertus avec eux…
Ah ! s’il est temps encor, rendez-nous nos faux dieux !

UN STATUAIRE.

N’allez plus, ô nochers, pour des œuvres sans gloire
Ravir à l’Orient son or et son ivoire ;
Quittons le Pentelique où sculptaient nos aïeux,