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ÉLEUSIS.

Notre esprit cherche encor le bien qui l’a tenté ;
Est-il ici ? Tu sais lequel ?… La vérité !

L’HIÉROPHANTE.

Tant que vos sens craindront le toucher de la flamme,
Hommes, la vérité n’est pas faite pour l’ame.
Nul dans ce feu ne prend les charbons à son gré ;
Ce qu’il faut à chaque âge est là-haut mesuré.
La lampe surgira ; mais malheur au profane
Qui brise avant le temps son urne diaphane !
N’entrez pas au saint lieu pour en sonder les murs
Et creuser sous l’autel ; dans les trépieds obscurs
Craignez de réveillez quelques clartés funèbres,
Mortels, et rendez grace aux dieux de vos ténèbres !

LE CHOEUR.

La vérité, c’est l’air que respire l’esprit,
L’aliment créateur dont l’ame se nourrit ;
C’est l’haleine des dieux, c’est leur sang qui circule,
Mais ce n’est point un feu qui tue, un vent qui brûle.
Ô prêtre, à t’écouter, c’est un fleuve d’enfer
Où l’homme ne saurait tomber sans étouffer !
Ô science ! ô science ! ô lac tiède et fluide,
Qui baigne les jardins de l’Olympe splendide !
Mer immaculée aux flots mélodieux,
Où plonge en s’abreuvant l’heureux peuple des dieux !

L’HIÉROPHANTE.

Vous saurez, mais trop tard, ô cœurs que rien n’effraie !
De quel funeste prix la science se paie,
Et ce qu’on peut vieillir en un jour révolu.
Mais venez… Qu’il soit fait ce que l’homme a voulu !

LE CHOEUR.

Esprit, réjouis-toi ! ton attente est passée ;
Voilà la Vérité, ta belle fiancée ;
Avant l’heure d’hymen, au seuil de sa maison,
Chante, oiseau plein d’amour, ta plus douce chanson.