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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

une poignée de Malays vivaient à grand’ peine du produit de leur pêche et de leurs pirateries. Aujourd’hui, c’est la métropole commerciale de toute cette partie de l’Orient, le centre d’une population nombreuse et active, familiarisée avec toutes les jouissances que l’industrie, le luxe et la culture de l’intelligence peuvent créer. Pour opérer ce prodige, il a suffi d’ouvrir Singapore aux vaisseaux marchands de toutes les nations, en le déclarant libre de toute perception fiscale. D’après les relevés officiels fournis par M. Newboldt, le chiffre des importations s’élevait à Singapore, en 1836, à 33,093,355 f., celui des exportations à 31,087,565 francs.

Mes recherches n’ont pu me procurer le chiffre total du revenu des colonies néerlandaises ; celui que donne le règne minéral seulement est énorme. Suivant M. Newboldt, Sumatra produit annuellement de 70 à 80,000 pikouls[1] de poudre d’or ; Bornéo en fournit pour 13 millions de francs ; l’île de Banca donne de 35 à 40,000 pikouls d’étain. Raffles porte le revenu annuel tiré de Java à 4 millions de livres sterling, ou 100 millions de francs. En fixant celui des Molluques à 20 millions, je crois que mon appréciation est encore modeste.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’archipel d’Asie, mais tout le monde océanique qui s’ouvre aux conquêtes de l’industrie européenne. Quoique les Anglais soient maîtres d’une grande partie du continent de l’Australie, de la terre de Van Diémen, de la Nouvelle-Zélande et des principaux archipels de la Polynésie, et s’efforcent d’établir leur commerce dans cette partie du globe, il y a place encore pour les autres nations de l’Europe qui voudront s’y créer des relations avantageuses.

Ainsi agrandi dans ses limites, le commerce de l’Orient a pris un nouvel essor quant à la nature des opérations dont il est devenu l’objet. En allant recueillir les précieuses denrées de l’archipel d’Asie, l’Europe jadis n’avait rien à y porter en retour ; son industrie n’avait point fait les progrès merveilleux dont notre siècle a été le témoin. Aujourd’hui, ses produits manufacturés entrent dans ce commerce pour une part considérable, et forment un moyen d’échange très important pour les nations qui, comme la nôtre, ne possèdent pas de colonies dans ces pays éloignés ; chaque année, le chiffre des exportations que l’Europe y envoie s’accroît dans une haute progression. À quel immense développement la plus féconde industrie

  1. Le pikoul égale 133 livres, poids anglais.