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dans les âges qui précédèrent le nôtre, celle à laquelle il s’est élevé de nos jours, pour prouver l’utilité qu’il y a pour nous à acquérir par l’étude du malay, la connaissance des ressources qu’offrent les contrées où cet idiome est répandu.

Diodore de Sicile est le premier des écrivains de l’antiquité où l’on rencontre quelques indications géographiques applicables d’une manière plausible aux pays de l’archipel d’Asie. Il raconte qu’un Grec, nommé Iamboule, traversant l’Arabie pour se rendre dans la patrie des aromates, fut enlevé par des brigands, traîné en Éthiopie, et de là transporté, comme l’exigeait une superstition nationale, dans un île australe située au milieu de l’Océan. Il ajoute que ce ne fut qu’après une longue traversée qu’Iamboule aborda à cette île mystérieuse, et que plus tard, contraint d’en sortir, il lui fallut quatre mois de navigation pour atteindre les côtes de l’Inde. Cette relation, qui, sous une forme romanesque, contient des détails très vrais au fond, prouve par l’absence de toute détermination géographique précise, que les Grecs au premier siècle de notre ère, n’avaient qu’une idée très vague de l’archipel situé au sud de la péninsule de Malaca. L’expédition d’Alexandre ne leur avait rien appris sur ces contrées, et peut-être les Indiens eux-mêmes, du moins ceux du Pendjab, qu’ils fréquentèrent, n’en avaient aucune connaissance. Pour déterminer l’époque où les marchands étrangers y pénétrèrent pour la première fois, il est nécessaire de savoir que, parmi les objets du commerce oriental, les seuls qui appartiennent en propre à l’archipel d’Asie sont le fruit du giroflier et celui du muscadier. Ses autres productions, telles que le coton et le poivre, se retrouvent dans l’Inde ; l’encens vient pareillement dans l’Arabie, et la cannelle est originaire de Ceylan. Or, c’est de ces diverses parties de l’Orient, et non de l’archipel d’Asie, que les anciens recevaient ces denrées dans les siècles antérieurs à l’ère vulgaire. Ce qui confirme cette induction, c’est que le périple de la mer Érythrée, que l’on suppose avoir été écrit dans la treizième année du règne de Néron, ou l’an 63 de notre ère, et qui contient une liste détaillée des articles du commerce oriental qui figuraient dans les marchés de l’Égypte, de l’Arabie et des côtes de l’Inde, le périple ne fait aucune mention du girofle ni de la muscade. Ce n’est qu’un siècle plus tard, c’est-à-dire de l’an 176 à l’an 180, sous le règne des empereurs Marc-Aurèle et Commode, que l’on trouve pour la première fois ces deux objets mentionnés parmi ceux qui étaient soumis à un droit de douane à l’entrée du port d’Alexandrie, en vertu d’une loi qui nous a été conservée dans le Digeste.