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l’époque où, vers la fin du XIVe siècle, les doctrines religieuses de l’Inde, qui s’étaient maintenues jusque-là dans leur pureté originelle, se modifièrent en se combinant avec le culte primitif des indigènes Ce fut alors sans doute que cessa l’usage vulgaire du kawi, qui devint une langue savante, et que les caractères carrés avec lesquels on l’écrivait furent remplacés par l’alphabet cursif actuel.

L’histoire, le drame et le roman, tels sont les genres nés dans la littérature javanaise de cette seconde époque, ou du moins ceux qui nous sont connus jusqu’à présent. Si l’on considère l’histoire du point de vue où nous placent les habitudes rigoureuses de notre esprit occidental, si l’on entend par là le récit d’une suite de faits liés par une chronologie régulière ou coordonnés dans un esprit de système, les Javanais, ainsi que les Malays et les autres nations de l’Orient, n’ont aucune composition qui mérite le nom d’histoire. J’appellerai donc, si l’on veut, du nom plus modeste de chroniques les compilations dans lesquelles ces peuples ont accumulé des légendes traditionnelles, des faits insignifians et des indications géographiques et historiques de la plus haute valeur, et que l’on chercherait vainement ailleurs. C’est dans ce système de rédaction que sont conçues les chroniques javanaises (Babat) que possède la Société royale de littérature de Londres, et dont les plus remarquables sont celles des royaumes de Djanggala (de l’année 771 à l’année 852), de Madjapahit (1146-1365), de Démak (1325-1415), et de Matarem (1415-1679). Il existe, suivant le témoignage de Raffles, dans les archives des princes javanais et des grandes familles de l’île, des pièces historiques très importantes, et le savant anglais a tiré un parti très ingénieux des recherches qu’avaient faites pour lui dans ces riches dépôts le secrétaire du pangheran (seigneur feudataire) de Soura-Kerta et plusieurs autres lettrés indigènes. C’est d’après ces documens qu’il a rédigé ses annales javanaises. L’ordre des règnes repose sur l’autorité de deux canons chronologiques comprenant la série des dynasties indoues qui ont gouverné Java jusqu’à la fin du XIVe siècle.

Le sujet des wayangs ou drames, emprunté à la mythologie indoue, est essentiellement religieux, et sous ce rapport, ainsi que pour la simplicité de la mise en scène, ces compositions pourraient être comparées à nos anciens mystères. Une autre classe de wayangs est celle dont le sujet est puisé dans les traditions historiques, et qui retracent les amours, les exploits et les malheurs des anciens héros javanais. Sur la scène, les personnages sont représentés tantôt par des acteurs qui, sous un masque et revêtus de costumes magnifiques, joignent