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encore une fois, songe aux projets de Bima[1] et au serment de Droupadi, qui a juré de laisser flotter sa chevelure jusqu’à ce qu’elle se soit baignée dans le sang des cent fils de Kourou.

81. — Le dieu attendri sentit sa colère s’apaiser en entendant les paroles du saint Bisma, car la sagesse de Krischna ne dédaignait point la louange. Aussitôt il reprit sa forme ordinaire de guerrier.

MARCHE DES ENFANS DE PANDOU

Les enfans de Pandou, en apprenant que la négociation de Krischna auprès du roi d’Astina n’a point réussi, se réunissent en conseil avec les princes leurs alliés ; la guerre y est décidée, et les préparatifs en sont promptement terminés.


95. — Au lever de l’aurore, les fils de Pandou se mirent en marche et quittèrent leur capitale de Wirata. Brillantes comme le soleil levant lorsque, étincelant au-dessus des montagnes, il inonde la plaine de clartés, leurs colonnes nombreuses, serrées, ressemblaient à une mer qui déborde. Un bruit sourd comme le roulement du tonnerre grondant au loin dans les montagnes, annonçait que les éléphans, les chevaux, tous caparaçonnés d’or, ainsi que les chars, s’avançaient rapidement.

96. — Des fleurs jetées par les pandits retombaient en nuages épais sous les pas des guerriers ; les airs retentissaient de mille cris confus. Lorsque les fleurs eurent cessé de pleuvoir, il s’éleva un vent violent qui accéléra la marche des enfans de Pandou, car les dieux rassemblés au haut du ciel s’étaient déclarés en leur faveur.

97 — À la tête des colonnes marchait Bima, le hardi et courageux Bima, féroce du désir de combattre et plein de mépris pour ses ennemis ; il s’avançait en faisant jouer son arc entre ses mains ; c’était un guerrier accoutumé à vaincre et sur mer et sur les montagnes, et à terrasser l’éléphant et le lion.

98. — Dans sa fureur, il était tout-puissant comme l’éléphant des forêts. Il allait soupirant après le moment qui le mettrait en présence des chefs ennemis, et déjà les défiant à haute voix, sa parole, menaçante comme le rugissement du lion, se faisait entendre distinctement dans tous les rangs de l’armée, et retentissait jusque dans les trois mondes.

99. — Après lui venait Ardjouna, assis sur un char d’or ciselé et couvert d’un payong (parasol) d’or ; enflammé comme un volcan, il appelait la ruine et la mort sur les Kourous et sur Astina, leur capitale. Sa bannière, qui avait le singe pour emblème, s’élevait dans les airs et semblait toucher aux nuages. Dès que son cortège se fut montré dans toute sa splendeur, un éclair sillonna les nues, et un coup de tonnerre se fit entendre comme un présage de victoire.

  1. Guerrier de la famille de Kourou.