Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

il donna le nom de Tchatour Kanaka (les quatre facettes d’une pierre précieuse). Ce dernier, ayant d’abord fait pénitence, supplia à son tour Wisesa de lui accorder un fils, qu’il appela Kanaka Poutra (fils de Kanaka), et qui développa une intelligence supérieure à celle de toutes les autres créatures… »


Mais celui de tous les ouvrages kawis qui est le mieux connu jusqu’ici, parce que Raffles en a donné une excellente analyse, c’est le poème épique qui a pour titre Brata youdha, c’est-à-dire la Guerre sainte ou la Guerre du malheur. Le sujet en est emprunté à l’une des plus célèbres épopées indoues, le Mahabharata. Suivant le jugement de M. Crawfurd, qui s’est livré à une étude approfondie de ce poème, c’est une imitation faite de verve et pleine de goût de l’original sanskrit, et qui n’a point ces longueurs fatigantes qui déparent l’œuvre de Vyasa. Le style de l’ouvrage kawi rappelle, dans certains passages, la simplicité sublime de la poésie homérique ; ailleurs il a l’énergie âpre de la poésie hébraïque, quelquesfois aussi la douceur tendre et mélancolique qui caractérise la muse de Virgile.

La composition du Brata youdha est, suivant les uns, du XIIe siècle de notre ère ; suivant les autres, et c’est là l’opinion générale, elle remonte au VIIe. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à l’époque où il vit le jour la poésie kawi avait dû être cultivée depuis long-temps, comme le prouve le système métrique très artifriciel et perfectionné sur lequel il est fondé.

Voici quel est le sujet de ce poème :

Abiasa, roi d’Astina, eut trois fils, que lui donna Ambalica, la vieille fille d’un ermite de la montagne de Tchamaragandi, qu’il avait été forcé d’épouser. Le premier, nommé Drestarata, était aveugle ; le second, qui s’appelait Pandou, avait la tête inclinée de côté ; le troisième, qui avait nom Aria Widoura, était boiteux. Pandou, le moins difforme des trois, étant monté sur le trône, Abiasa se fit ermite et alla finir ses jours dans les montagnes. À la mort de Pandou, son frère Drestarata usurpa le pouvoir et le transmit à ses fils, les Kourawas (enfans de Kourou), qui étaient au nombre de cent, au préjudice des cinq fils de Pandou (Pandawas). Le dieu incarné Krischna ayant été envoyé par ces derniers, dont il favorisait la cause, vers le roi d’Astina, pour lui demander le partage égal de l’empire, ce prince rejeta toutes les propositions d’arrangement qui lui furent faites, et les enfans de Pandou se virent forcés de recourir aux armes pour rentrer en possession de l’héritage de leurs pères.

Quelques morceaux extrait du Brata youndha pourront peut-être donner au lecteur une idée de l’œuvre de Pouséda, idée sans doute