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puissant) existait. Ce dieu, qui avait sa demeure au centre de l’univers, nourrissait intérieurement un vif désir d’obtenir du suprême régulateur l’accomplissement d’un souhait qu’il avait formé. Il s’ensuivit un conflit terrible, de tous les élémens, au milieu duquel il entendit un son répété, comme le tintement rapide d’une cloche. Il leva les yeux et vit un globe suspendu au-dessus de sa tête. Il le prit et le sépara en trois parties : l’une servit à faire les cieux et la terre, l’autre le soleil et la lune, et la troisième fut l’homme, ou Manek maya.

« La création ayant adoré Sang Ywang Wisesa, celui-ci parla à Manek maya en ces termes : — Désormais tu t’appelleras Sang Ywang Gourou (l’instructeur, le maître par excellence, ou Bouddha). Je place une entière confiance en toi ; je te livre la terre et tout ce qu’elle produit pour en disposer selon ta volonté et ton plaisir. — À ces mots, Sang Ywang Wisesa disparut. À la prière de Sang Ywang Gourou, le dieu suprême lui accorda neuf enfans mâles et cinq filles, qui naquirent sans avoir de mère. »


Dans ce système cosmogonique, les neuf fils de Sang Ywang Gourou président aux différentes parties de la sphère. Les quatre premiers règnent sur les quatre points cardinaux, le cinquième sur le centre de la terre, et les quatre autres sur les points intermédiaires. Il est à remarquer que cette distribution des points de la sphère est conçue dans un ordre pareil à celui que nous offrent les plus anciens monumens de l’Inde, est, sud, ouest et nord, centre, etc., et il a fait imaginer probablement le mythe de la création des neuf fils de Sang Ywang Gourou. Les cinq premiers, présidant aux points principaux, occupent le rang le plus élevé dans cette hiérarchie. Chacun d’eux épouse une de ses sœurs, reçoit pour demeure un palais d’un métal particulier, d’argent, de cuivre, d’or, de fer ou d’airain, domine sur une mer dont les flots sont ou de lait de noix de coco, ou de sang, ou de miel, ou d’indigo, ou d’eau bouillante. Chacun d’eux a pour emblème un oiseau spécial, préside à un des cinq jours de l’antique semaine javanaise, et a pour anagramme cinq lettres de l’alphabet, dont la combinaison produisait sans doute une sorte de formule talismanique.


« Sang Ywang Gourou descendit sous la terre pour établir l’ordre au sein des créations inférieures. La terre se composait de sept régions superposées comme autant de couches différentes. À ces sept divisions il attacha autant de divinités, qui avaient pour chef le dieu Sang Ywang Antaboga, régent de la septième division.

« Après avoir donné naissance à Sang Ywang Gourou, le régulateur suprême forma un autre ordre de créatures humaines, Sang Ywang Derma Djaka, lequel, s’étant prosterné devant Wisesa, le pria de lui accorder un fils auquel