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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

modifia pour prendre tous les traits qui distinguent la nationalité indoue. Mais c’est dans le système des langues de l’archipel d’Asie, ce grand rameau de la famille océanienne, que cette action de l’indianisme se manifeste avec le plus de puissance et d’intensité. Le kawi, qui est à Java ce que le sanskrit est dans l’Inde, la langue savante, sur dix mots en a neuf d’origine indoue, et moins altérés que ceux qu’a empruntés le pali, ou la langue sacrée de Siam. À côté du kawi est le haut javanais, dans lequel abondent aussi les mots sanskrits ; et au-dessous, sur cette échelles linguistique, se place le langage populaire ou bas javanais, qui s’éloigne d’autant plus de la source indoue, et conserve plus fidèlement le type océanien primitif, que l’on descend plus avant dans les classes de la nation qui ont été moins exposées au contact de l’étranger.

Le malay a reçu aussi, mais à un degré bien moindre que le javanais, l’action fécondante ou régénératrice du sanskrit ; il doit à cette langue une partie des mots qui rappellent des idées morales ou métaphysiques, et plusieurs termes de la mythologie indoue. Mais, à mesure que l’on s’éloigne de Java, la connexion des dialectes océaniens avec le sanskrit devient moins étroite et s’efface. Elle est encore sensible dans les idiomes des Philippines, où l’on trouve quelques mots qui attestent que ces îles reçurent les croyances de l’Inde.

Si, par l’examen comparatif des vocabulaires, nous cherchons maintenant à déterminer dans quelles limites s’est exercée l’influence de la civilisation indoue sur le monde océanique, et par conséquent jusqu’où se sont étendues les migrations du peuple qui l’a propagée, nous trouverons que de l’île de Java, qui en est le point de départ, elle s’est répandue à l’ouest, dans toute l’île de Sumatra et sur les côtes de la péninsule de Malaca, au nord jusqu’aux Philippines, à l’est jusqu’aux Moluques, qu’elle n’a point dépassées. C’est en vain que l’on chercherait dans les idiomes de la Polynésie un seul mot dont on pût rapporter l’origine au sanskrit.

Le règne de la civilisation indoue cessa, lorsque l’islamisme fut apporté dans l’archipel d’Asie, vers le commencement du XIIIe siècle. Des deux grandes races qui l’habitent, la race malaye et la race javanaise, la première est celle qui embrassa la nouvelle foi religieuse avec le plus d’ardeur ; en très peu de temps, elle fut tout entière musulmane. Cette propagation rapide des dogmes de l’Alcoran parmi les Malays s’explique par les analogies que l’on observe entre leur caractère et celui des Arabes. Doués comme eux d’une imagination vive et mobile, de passions inquiètes et ardentes, ils aiment la guerre,