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Christ. Des colonies parties de la côte nord-est du Dekkan vinrent s’établir à Java apportant avec elles les arts, les lois et les institutions religieuses de l’Inde. Il paraît qu’elles y introduisirent le régime des castes, mais que les brahmes n’acquirent jamais cette suprématie politique dont ils jouissaient sur les bords du Gange. Le gouvernement resta tout entier entre les mains du roi, chef militaire investi d’une autorité absolue, et ce qui confirme le témoignage des écrivains javanais sur ce point, c’est que, dans les codes de lois, les brahmes ne sont point protégés, comme dans le livre de Manou, par une pénalité exceptionnelle, et que ce privilége n’est stipulé qu’en faveur du roi. Les Javanais reçurent des Indous le dogme de la métémpsycose, celui des peines et des récompenses dans la vie à venir, l’usage des pénitences et des austérités, celui du sacrifice des veuves sur le bûcher de leurs maris, et portèrent la rigueur de ces pratiques religieuses à un degré d’exagération inconnu même à ceux qui les leur avaient transmises. Le bouddhisme pénétra aussi dans l’archipel d’Asie ; il dut compter de nombreux prosélytes à Java, si l’on en juge par les restes des monumens de ce culte que l’on y rencontre à chaque pas, et par l’influence qu’il exerça sur le développement de la littérature javanaise.

Java, devenue le foyer de la civilisation indoue dans l’archipel d’Asie, s’éleva au rang de capitale intellectuelle et religieuse des diverses contrées dont elle occupe le centre, et sur lesquelles elle domina jusqu’à la destruction de Madjapahit, en 1400. Cette ville, dont les ruines, situées dans la partie orientale de l’île, ont excité l’admiration de tous les voyageurs qui les ont visitées, était devenue, pendant le XIIIe et le XIVe siècles de notre ère, le centre d’un empire puissant duquel dépendaient vingt-cinq royaumes et provinces. S’étendant à l’est sur toutes les Moluques, au nord sur une partie considérable de Bornéo, l’empire de Madjapahit occupait à l’ouest toute la côte nord de Sumatra jusqu’à Pasay inclusivement, et se prolongeait jusqu’à Oudjong-Tanah (Pointe de terre), au-delà du détroit de Malaca, à l’extrémité de la péninsule malaye[1]. La fusion des colonies indoues et des populations javanaises fut si intime, que le caractère de ces dernières qui, dans l’origine, dut être analogue à celui des peuples congénères répandus autour d’elles, se

  1. Le tableau des provinces et royaumes qui faisaient partie de l’empire de Madjapahit se trouve dans un manuscrit malay de la Société royale asiatique de Londres, ayant pour titre : Histoire des rois de Pasay, et coté dans le catalogue sous le no 61.