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est parvenu à ramener toutes les affinités des idiomes océaniens à une théorie fondamentale. Par la comparaison lexique, il a découvert que l’on pouvait les ranger en cinq grands rameaux, correspondant à autant de règnes ethnographiques ou variétés de races ; la première division comprend le malay et le javanais, la seconde la langue de l’île Célèbes, la troisième celle de Madagascar, la quatrième les langues des Philippines et de l’île Formose, et la cinquième celles de la Polynésie orientale, dont les principales sont les dialectes des îles Tonga, Hawaii ou Sandwich, de la Nouvelle-Zélande et de Taïti.

La comparaison des formes grammaticales de ces divers idiomes l’a conduit à des résultats non moins curieux et encore plus importans. Ainsi il a reconnu que tous se développent suivant une loi unique de formation par l’addition de préfixes et d’affixes, ou syllabes accessoires juxtaposées à la racine et destinées à modifier l’idée mère qu’elle renferme et à la faire passer tour à tour à l’état de verbe, d’adjectif, de nom abstrait ou concret. L’identité des pronoms est la preuve la plus forte en faveur de la parenté des langues, et nulle part cette preuve ne se révèle avec plus d’évidence que dans la comparaison des pronoms personnels des langues océaniennes, lesquels ne diffèrent que par de légères permutations de lettres. S’il est vrai, comme je l’ai dit tout à l’heure, et c’est là un fait constant, que l’identité des formes grammaticales, inhérente à un principe métaphysique et radical, indique presque toujours, entre les idiomes où cette ressemblance se produit et les peuples qui les parlent, la provenance d’une souche commune, il faudra admettre que les nations océaniennes, dont la grammaire est formée d’après un type analogue, descendent d’une race unique, qui, modifiée par les influences du climat et du sol, a donné naissance dans cette partie du monde à cinq variétés principales.

C’est cette unité primitive du système grammatical des dialectes océaniens, qui les sépare d’une manière bien tranchée de cette multitude de langages informes répandus parmi les tribus qui occupent la Nouvelle-Guinée, le grand continent de l’Australie, ainsi que la partie montagneuse de la péninsule de Malaca et des Philippines. Placées au dernier degré de l’échelle sociale, ces tribus sont morcelées en une infinité de petites communautés parlant chacune un langage particulier. Elles appartiennent à la race noire, qui, suivant une hypothèse assez vraisemblable, donna à l’Océanie ses premiers habitans, et qui a été chassée et refoulée dans l’intérieur des terres partout où la race jaune est venue s’implanter. Ces populations de