Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

par de nombreuses affinités et sorties d’une souche commune. Dans cette famille de langues, il en est deux plus importantes que toutes les autres, car elles sont la clé du système entier et en forment la base ; ce sont le malay et le javanais. Liées à des traditions qui s’appuient sur des monumens d’un âge certain et très reculé, elles offrent à l’ethnographie comparée, c’est-à-dire à l’étude des races humaines, les renseignemens les plus précieux sur l’origine et les migrations des populations océaniennes, et sur leurs destinées à une époque dont il ne nous reste aucun souvenir historique. Une autre considération vient encore ajouter à l’intérêt que ces recherches inspirent. Les Malays et les Javanais possèdent une littérature riche et originale, de nombreux documens historiques et des monumens d’une législation très remarquable, qui seule suffirait pour attester les progrès que ces peuples avaient faits autrefois dans la carrière de la civilisation. Ce n’est pas tout ; dans ses applications à la marine et au commerce, le malay présente, suivant le témoignage de tous les navigateurs, un caractère d’utilité pratique incontestable. Il règne dans toute la mer des Indes, depuis le cap de Bonne-Espérance jusque et compris la Nouvelle-Guinée, dans un espace de plus de 110 degrés en longitude ou 2,750 lieues, et là où il n’est pas parlé comme idiome national, il est employé de la même manière que la langue franque dans les échelles du Levant, comme un moyen général de communication dans toutes les transactions auxquelles le besoin des échanges peut donner lieu. Aujourd’hui que l’archipel d’Asie est un des points commerciaux les plus importans du globe, il est de l’intérêt de la France de s’y créer des relations avantageuses et durables. Pour y parvenir, le premier et le plus sûr moyen n’est-il pas d’acquérir la connaissance du langage qui doit en être l’instrument ? Ainsi l’étude du malay et du javanais peut être envisagée sous trois points de vue, suivant qu’on la rattache à l’histoire ethnographique des races parmi lesquelles ces idiomes sont répandus, à l’intelligence et à l’appréciation des monumens de leur littérature, aux besoins de la navigation et du commerce ; chacun de ces trois points de vue produit un ordre spécial de faits dont je vais essayer de présenter un aperçu et de faire apprécier l’intérêt au lecteur.

I.

Ce serait entreprendre l’étude du malay et du javanais d’une manière bien incomplète et bien peu philosophique que d’envisager ces