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avaient été mis en état de siége, pour réprimer l’insurrection d’un partisan miguéliste nommé Remichildo. Cette mesure fut étendue pour des causes analogues à d’autres parties du territoire, si bien que, depuis la révolution de septembre jusqu’à la proclamation de la nouvelle constitution, le Portugal fut presque entièrement soumis à un régime exceptionnel. Cependant on doit rendre aux partis la justice de dire que, s’ils n’ont pas craint de troubler leur pays par des insurrections frivoles, l’indifférence de tous et la futilité des causes ont au moins produit un noble résultat qu’elles n’entraînent pas toujours, l’oubli des haines après la victoire. L’affaire de Belem avait déjà été considérée comme non avenue, et la reine put refuser sa sanction au décret des cortès qui privait les chefs chartistes de leurs grades.

Pendant trois mois d’une insurrection faite en son nom, il semblerait que cette princesse eût dû courir de graves dangers. Les proclamations de part et d’autre étaient de la dernière violence. Mais ce que les constitutionnels reprochaient surtout aux chartistes, c’était de troubler le Portugal au moment de la grossesse de la reine. Les imprudences dans lesquelles l’ardeur d’un trop jeune courage avait entraîné le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg, second mari de la reine, furent aussi facilement oubliées. Le peuple portugais, qui s’enquiert si soigneusement des détails intimes de la vie de ses princes, était reconnaissant du tendre attachement que le roi avait su inspirer à la reine, et la naissance de plusieurs fils a encore exalté depuis le dévouement de la nation.

Les mouvemens chartistes eurent pour unique effet de confirmer la ruine de la charte, et d’appeler à la tête des affaires le vicomte de Sâ et le baron de Bonfim. Les cortès, plus calmes, reprirent ensuite leurs discussions sur la loi fondamentale. La constitution nouvelle différait de la charte principalement en ce que les sénateurs, éligibles d’après des catégories, étaient nommés par la reine sur une triple liste de candidats. Une modification plus importante dans les crises actuelles fut l’élection des députés par suffrage direct avec un cens très bas ; on exclut tous les fonctionnaires de la chambre ; l’admission de cette dernière clause devait avoir pour résultat de détruire toute l’influence du gouvernement sur les cortès. Malheureusement, la fixation d’un traitement considérable fit un état des fonctions de député. Beaucoup d’entre eux ne vivant que de leur salaire, et se trouvant soumis pour leur élection à l’influence du gouvernement ou des clubs, l’indépendance et la dignité qu’on avait rêvées ne furent que nominales. Mais le mal auquel nulle constitution ne pouvait remédier, allait toujours s’aggravant. Le 14 octobre 1837, la banqueroute fut proclamée de fait ; la nécessité de solder les vainqueurs épuisa les derniers débris des finances de l’état. Il fallut recourir à des mesures qui toutes détruisaient le crédit sans apporter de soulagement au trésor, et grevaient l’avenir sans assurer le présent. Les clubs n’étaient point satisfaits ; les idées les plus exaltées n’avaient pas triomphé dans les cortès. Tous n’avaient pu être récompensés suivant l’âpreté de leurs désirs. Le bataillon des ouvriers de l’arsenal, qui depuis quinze jours donnait des signes non équivoques de mécontentement, s’in-