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récens, que, quels que soient la forme du gouvernement et le nom dont il se décore, le règne de l’arbitraire n’est jamais interrompu. Aussi, dans toutes les révolutions de ce pays, faut-il considérer la composition des partis avant de regarder les drapeaux sous lesquels ils se rangent. Là où la loi n’est jamais appliquée, la question des fonctionnaires est bien plus sérieuse que celle de la législation. Dans la Péninsule malheureusement, il ne s’agit jamais que de places de cour, de titres et d’emplois, c’est-à-dire de vanité et d’argent. Les fautes les plus sensibles de don Pedro, disciple du marquis de Pombal, dont il admirait plus qu’il ne connaissait l’histoire, prince impérieux autant que niveleur et révolutionnaire, furent surtout relatives aux personnes. Il repoussa indistinctement les miguélistes, même ces hommes inoffensifs, cortége nécessaire de tous les pouvoirs, qui n’avaient fait que courber humblement la tête sous le joug. Loin d’essayer de les rallier au nouveau régime, il les éloigna de son gouvernement, et les chassa du palais quand ils vinrent le complimenter sur le succès de ses armes. Un tort plus grand et de conséquence immédiate fut de s’isoler au milieu de son propre parti. Celui-ci se composait d’hommes dont les principes n’étaient pas homogènes, chose en soi de peu d’importance, mais, ce qui est plus grave, dont les origines libérales n’étaient pas les mêmes. Dans un pays naturellement absolutiste, pour former avec des hommes isolés, avec des débris et des fractions de bannis, un parti capable de lutter avec succès contre les passions monacales et les anciens priviléges, pour créer une armée de la liberté indépendante du peuple, il avait fallu qu’une succession de luttes, de victoires et d’oppressions, et beaucoup de circonstances étrangères à la politique, réunissent un grand nombre d’hommes dans une opposition commune aux principes apostoliques, aux chefs de ce parti et à leur prince. La légitimité les rallia tous et les confondit sous son drapeau. Parmi les constitutionnels, on comptait beaucoup d’ouvriers de la onzième heure ; les amis, les confidens de Jean VI avaient lutté à la fois contre ses deux fils, contre l’empereur don Pedro au Brésil, contre l’infant don Miguel à Lisbonne. Ils devinrent les chefs de l’émigration, sa force et sa parure. Mais don Pedro ne leur accorda jamais qu’une confiance contrainte non plus qu’aux jeunes révolutionnaires. Son affection se porta exclusivement sur des hommes qui, pour la plupart, ministres du temps de la révolution de 1820, avaient été en butte aux attaques violentes de la portion la plus active et la plus déterminée du parti révolutionnaire. Peu importans par eux-mêmes, mais ayant pratiqué de hauts emplois, ils avaient ce cachet particulier du démocrate devenu despote par le pouvoir. Plus que tous les autres, ils excitaient la haine des miguélistes, inspiraient aux libéraux exaltés de l’envie sans respect, et pourtant ils n’étaient pas des modérés.

Ainsi, le 24 septembre 1834, lorsque don Pedro mourut peu de mois après son triomphe, l’avenir du Portugal était loin d’être assuré. Don Miguel avait été vaincu ; Madère et toutes les autres possessions portugaises venaient de reconnaître la reine avec joie. La France, l’Angleterre et l’Espagne étaient alliées intimes du Portugal, et le traité de la quadruple alliance garantissait la