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tionnels ; il leur fallut tenter un coup décisif. Le duc de Palmella sauva une fois encore la cause de la reine. Il parvint, avec M. Mendizabal, à contracter en quelques jours un emprunt à Londres, fortifia la flotte d’un vaisseau, de trois cents matelots et du commodore Napier, dont le nom a récemment fort occupé l’Europe, et arriva inopinément à Porto avec six bateaux à vapeur, des habits, des souliers, des munitions et de l’argent. Le duc de Terceire partit alors avec deux mille cinq cents hommes pour les Algarves, où le vicomte de Mollelos commandait quatre mille soldats ou miliciens. Le duc s’empara sans grande peine de toutes les Algarves, où il laissa deux bataillons puis, par un mouvement rapide, il gagna deux marches, et s’avança sur Lisbonne, où l’on venait d’apprendre l’intrépide attaque du commodore Napier et la défaite totale de la flotte miguéliste au cap Saint-Vincent. M. de Terceire avait sur ses derrières le vicomte de Mollelos avec quatre mille hommes, et devant lui le Tage et sept mille hommes sous les ordres du duc de Cadaval. Ce dernier, redoutant les dispositions du peuple, crut devoir évacuer Lisbonne dans la nuit. Le général Tellez Jordan fut le même jour défait et tué sur la rive gauche du Tage ; le peuple s’insurgea, et le duc de Terceire, traversant le fleuve, prit possession avec quinze cents hommes de la capitale du royaume.

Pendant ce temps, l’armée miguéliste avait passé sous le commandement de M. de Bourmont. Ce maréchal arrivait à une époque malheureuse. Ignorant sans doute l’état précis des affaires, et ne connaissant pas parfaitement l’armée qu’il avait à commander, il ne fortifia pas, comme il en aurait encore eu le temps, la garnison de Lisbonne, et crut pouvoir emporter de haute lutte la ville de Porto. L’empereur don Pedro y commandait en personne avec le maréchal Saldanha, et les troupes miguélistes vinrent une dernière fois se briser contre des positions devant lesquelles pendant plus d’une année, elles s’étaient consumées en inutiles efforts. L’attaque de Porto donna le temps de fortifier Lisbonne, et, lorsque M. de Bourmont assiégea cette ville, il n’était plus temps de la reconquérir. Après deux sanglantes batailles, l’armée miguéliste fut forcée de se retirer sur Santarem, et se maintint dans cette position pendant près d’un an. On dit que cette armée, encombrée d’un nombre infini de femmes, d’enfans et de fugitifs de toute espèce, décimée par le choléra et le typhus, abîmée par la famine et la guerre, eut à supporter des maux incroyables. Cependant la position était telle que le maréchal Saldanha, qui commandait alors l’armée constitutionnelle, ne pouvait emporter Santarem de front ni faire un seul mouvement sans découvrir Lisbonne. Enfin, au commencement de 1834, le duc de Terceire, arrivant par le nord, menaça les derrières de l’armée miguéliste, et le général espagnol Rodil, en vertu du traité de la quadruple alliance, entra en Portugal par la province de Beïra. Don Miguel se retira alors sur Evora, et signa dans cette ville, le 26 mai une convention par laquelle il s’engageait à quitter le Portugal sous quinze jours et à ne point chercher désormais à troubler la tranquillité du royaume.