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LE PORTUGAL.

ont un effet rétroactif et font remonter les crimes contre la royauté absolue au 22 février, quand, le 26, don Miguel avait juré la charte. Une faction exécrable dominait le parti absolutiste et engageait sur ses traces tous les intérêts, sinon tous les cœurs.

L’armée comptait encore beaucoup de constitutionnels dans ses rangs, et sur plusieurs points des soulèvemens eurent lieu ; mais, après la défaite des insurgés de Porto, qui deux mois avaient tenu tête au nouveau pouvoir, la cause de la reine doña Maria paraissait perdue sans retour, si des évènemens imprévus ne lui eussent rendu un drapeau et un coin de terre pour l’arborer.

Don Pedro avait décidé que doña Maria irait demeurer auprès de son grand-père, l’empereur d’Autriche, jusqu’à l’époque de son mariage. M. de Palmella, alors ambassadeur de Portugal à Londres, et qui avait protesté, ainsi que plusieurs membres du corps diplomatique, contre la récente usurpation de l’infant, sentit qu’il importait de ne pas laisser entre les mains d’une puissance absolutiste un gage aussi précieux que la jeune reine. Au moment même où l’envoyé d’Autriche attendait à Livourne l’arrivée de doña Maria, M. de Palmella donnait à Gibraltar l’ordre aux frégates brésiliennes de cingler vers l’Angleterre. Toutes les cours de l’Europe, excepté celle d’Espagne et le saint siége, avaient rappelé leurs ambassadeurs de Lisbonne et refusaient de reconnaître l’usurpation de l’infant. La reine de Portugal fut reçue en Angleterre avec tous les honneurs qui lui étaient dus, et, après un court séjour à Londres, doña Maria retourna au Brésil sur le bâtiment qui conduisait à l’empereur don Pedro sa jeune fiancée, la princesse Amélie de Leuchtenberg.

Pendant ce temps, un bataillon de chasseurs, cantonné dans l’île de Terceire, proclamait sur ce rocher, en dépit des habitans, la souveraineté de doña Maria. Les réfugiés portugais désiraient ardemment se joindre à cette troupe, leur dernière espérance : ils s’embarquèrent à Plymouth sous le commandement du général Saldanha ; mais le duc de Wellington avait donné l’ordre à la station anglaise de canonner les bâtimens qui s’approcheraient de l’île. C’était, comme on le dit alors, avec des boulets oubliés de la canonnade de Copenhague. Cet ordre cruel et injuste devait anéantir à jamais le parti de doña Maria, et ne s’accordait pas avec les honneurs royaux que l’Angleterre rendait dans le même temps à cette princesse. La conduite du ministère anglais prouva que, malgré l’injurieuse épithète de lâche et cruel qu’appliqua lord Aberdeen à don Miguel, il était prêt à se rapprocher du prince usurpateur. L’amicale réception faite à doña Maria avait peut-être pour but de rendre les absolutistes portugais plus dociles en les effrayant sur leur avenir. Contraints de s’éloigner de Terceire, les soldats constitutionnels se réfugièrent en France, où ils furent reçus avec empressement par toute la population, et accueillis par le gouvernement avec une hospitalité à laquelle n’étaient pas étrangers les efforts du fidèle ami de Jean VI, M. Hyde de Neuville.

Quelques semaines après, le duc de Teiceire fut plus heureux que ne l’avait été le marquis de Saldanha. Il parvint, avec quelques compagnons dévoués,