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cère à la charte, de son respect pour son auguste frère, et il demanda que les cortès fussent extraordinairement convoquées, afin de prêter dans leur sein serment à la constitution et à la reine, sa nièce. Ces apparences libérales ne trompèrent personne ; don Miguel régent, c’était la reine Charlotte toute puissante. Les absolutistes n’eurent plus qu’à contenir leur joie ; la proie qu’ils convoitaient tombait entre leurs mains, et le penchant de don Pedro pour les hommes de 1820, son mécontentement contre la régente, qui leur avait quelquefois résisté, allaient avoir pour conséquence l’intronisation du despotisme et de la terreur.

Le 22 février de l’année 1828, l’infant entra dans le port de Lisbonne et débarqua au milieu des acclamations d’une populace ameutée. Les jours suivans des vivats en faveur de l’absolutisme et des cris de mort contre les francs-maçons retentirent sur son passage ; souvent ils étaient provoqués par les gens de son escorte ; d’autres fois ses propres gardes tiraient l’épée pour punir ceux qui proféraient des cris anti-constitutionnels. La confusion était partout, et la mêlée précéda la bataille. Un jour les plus crédules d’entre les libéraux reprenaient quelque espoir : l’infant paraissait indécis, on disait que les conseils de l’empereur d’Autriche l’avaient rendu au moins prudent ; mais, le lendemain, les absolutistes manifestaient une joie féroce et se répandaient en menaces de mort.

Tous avaient les yeux fixés sur don Miguel, et attendaient avec anxiété le jour où il devait se rendre à l’assemblée des cortès pour y jurer fidélité à la constitution. Les apostoliques eux-mêmes surveillaient les mouvemens de l’infant avec l’inquiétude d’une ambition avide. La situation de ce prince, instrument de l’absolutisme, qui rentrait dans son pays pour le gouverner au nom de la charte, était si étrange et si contradictoire, qu’elle pouvait bien jeter dans les esprits autant d’incertitude que de crainte ; cependant, quoique depuis deux ans il eût été soustrait à la direction de sa mère, et que son langage et ses manières parussent moins sauvages, don Miguel n’avait pas changé. En attaquant le trône de son père, vieillard débile, il avait préludé à l’usurpation de la couronne de sa nièce, jeune enfant de neuf ans ; il savait mépriser les faibles. La reine Charlotte reprit bientôt son empire, et le jour où l’infant jura fidélité à la charte dissipa le peu d’illusions que quelques constitutionnels avaient bien voulu conserver. Ce fut en face des cortès, des pairs, des députés, de toute la cour et de la diplomatie étrangère, que don Miguel prêta serment ; son regard était vague, sa démarche incertaine, et toute sa personne embarrassée. L’infante Isabelle-Marie, au contraire, semblait animée d’un courage qu’embellissaient la douceur de son caractère et le charme languissant de sa personne. Au milieu de cette assemblée muette et consternée, entourée de factieux pleins d’arrogance et prêts à l’outrager, cette princesse se montra fidèle à son frère et à ses engagemens ; en remettant à don Miguel ses pouvoirs, elle osa lui rappeler de quelle main il les tenait, à quelles conditions et sous quel nom il devait gouverner. L’infant ne répondit pas un seul mot au discours de sa sœur ; il prêta serment à la charte d’une voix si