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LE PORTUGAL.

par son père ; il accorda une amnistie générale, et le 29 il octroya une charte. Le 30, il nomma les membres de la chambre des pairs, composée presque entièrement des grands du royaume et des évêques. Puis il abdiqua en faveur de sa fille aînée, doña Maria da Gloria, ordonnant qu’elle ne sortirait pas du Brésil que son mariage ne fût conclu avec l’infant don Miguel et qu’elle n’eût prêté serment à la constitution : l’abdication devenait nulle, si ces conditions n’étaient pas remplies. Don Pedro renonçant à la couronne, les droits de sa fille étaient aussi incontestables que l’avaient été les siens. L’ordre de succession au trône suit dans tous les pays les principes établis pour la constitution des majorats ; la loi des princes est, sous ce rapport, celle des particuliers, et en Portugal les femmes héritent des fiefs, à défaut d’héritiers mâles dans la ligne directe. Aussi l’infant don Miguel, qui s’était empressé de jurer fidélité à son frère, prêta-t-il sans difficulté serment à sa nièce doña Maria, et presque tous ceux qui furent depuis ses partisans imitèrent son exemple. L’abdication de don Pedro éveilla néanmoins toute l’ambition de la reine Charlotte. Quelle perspective s’ouvrait devant elle ! L’infant don Miguel, son disciple servile, allait être le mari de la reine. La puissance devait donc inévitablement tomber entre les mains de son fils et les siennes propres. Être assuré de l’avenir, c’est posséder le présent, et l’empereur don Pedro, tout en faisant reconnaître les droits de doña Maria, facilita par cette promesse de mariage l’usurpation de don Miguel.

Alors s’opéra dans les différentes catégories de la noblesse portugaise un revirement de position dont les luttes de partis ont fait depuis oublier l’origine. En 1820, presque tous les grands se trouvaient au Brésil avec le roi ; plusieurs avaient gouverné au nom de l’Angleterre ; d’autres, qui avaient suivi l’armée française, étaient éloignés des affaires de leur pays, et bien peu de noms appartenant à la première noblesse figurèrent dans les mouvemens qui déterminèrent la constitution de 1822. Les gentilshommes de province, au contraire, restés chez eux loin de la cour, comptant sur leur influence auprès des populations, et principalement cette nombreuse famille des Sylveira, qui couvre les provinces du nord, avaient désiré ardemment acquérir de l’autorité à la faveur du système représentatif. Le mouvement les dépassa, et leur désappointement s’accorda avec celui de la reine Charlotte. Ils furent, lors de l’insurrection de Santarem, tout disposés à coopérer au renversement des cortès, et le régime de la charte ne leur offrit ensuite aucune position qui pût les séduire. La naissance ne les appelait pas à la chambre des pairs, et ils dédaignèrent de siéger dans celle des députés. En 1823, on vit donc beaucoup de partisans de la révolution de 1820 prendre les armes en faveur de l’absolutisme, et la promulgation de la charte les enchaîna pour toujours à ce parti. Les grands, au contraire, spectateurs défians de la révolution de 1820 et particulièrement attachés à la personne de Jean VI, avaient en grand nombre suivi le roi à Villa-Franca. Plusieurs, par leur résistance au complot de la reine, furent exposés à la haine personnelle de cette princesse et aux vengeances de son parti. Le régime constitutionnel devint un abri sous lequel