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LE PORTUGAL.

croyaient accourir au secours du roi. Des hommes dont je me suis interdit d’écrire les noms excitaient le courroux des soldats en leur montrant par les fenêtres de longues bandes de toile, au moyen desquelles, disaient-ils, les francs-maçons avaient été sur le point d’étrangler leur monarque adoré. Don Miguel, sous prétexte d’empêcher les assassins d’approcher du roi, avait défendu de laisser pénétrer dans le palais tous ceux qui ne seraient pas munis d’une carte sur laquelle étaient gravées ses armes. Ayant ainsi isolé Jean VI de ceux de ses serviteurs qui auraient échappé aux arrestations, don Miguel le tenait sous sa complète dépendance. Il avait laissé pour lui cette lettre, que je crois devoir citer en entier :

« Sire,
« Mon roi, mon auguste père et mon seigneur,

« Frissonnant d’horreur à la vue de la trahison la plus perfide tramée par les terribles associations maçonniques, qui, de concert avec celles d’Espagne, ont renversé la maison royale de Bragance, en réduisant en cendres le plus beau pays du monde, j’ai résolu, après avoir entendu les vœux sincères et fidèles de tous les bons Portugais, d’appeler aux armes la brave et immortelle armée portugaise, afin d’assurer par son intermédiaire le triomphe du grand œuvre commencé dans la journée immortelle du 27 mai 1823, et qui, par une fatalité inattendue, n’a pas eu un résultat qui corresponde aux vœux de la nation. Votre majesté, qui possède de sublimes vertus dont les hommes n’ont aucune idée, et qui font d’elle le meilleur des rois qui aient régné sur la terre, ne pourra qu’approuver ma résolution héroïque, puisqu’elle a pour but d’empêcher votre majesté de tomber entre les mains des infâmes individus qui l’entourent et qui l’ont conduite sur le bord de l’abîme, et en sauvant votre majesté d’un danger si imminent, de préserver à la fois la famille royale et la nation.

« La proclamation que j’ai l’honneur de transmettre à votre majesté empêchera toute fausse accusation que les mécontens pourraient chercher à faire retomber sur moi, soit dans le moment, soit plus tard ; et je supplie votre majesté de jeter sur cette proclamation un regard paternel, afin qu’elle puisse reconnaître les vérités pures qu’elle contient comme le seul moyen de rendre justice à un fils qui, pour sauver son auguste père, son roi et son seigneur, et pour conserver intacts les droits primitifs de la royauté, n’a pas hésité à exposer son sein aux hasards de la fortune, dans la ferme persuasion qu’un prince portugais, quand il prend les armes pour une entreprise si glorieuse, ne doit les déposer que lorsqu’il a mis un terme à une lutte extrêmement nuisible aux personnes qui, comme votre majesté, sont nées pour régner, ou lorsqu’il a délivré votre majesté des chaînes que la franc-maçonnerie lui avait préparées. Qu’il plaise à votre majesté d’approuver ma noble et royale conduite, en annonçant à la nation que votre majesté la sanctionne, en daignant m’accorder la permission d’agir, et en levant ainsi tous les obstacles à la grande entreprise dans laquelle je suis engagé. — Plein d’anxiété et plus