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LE PORTUGAL.

quée sur celle d’Espagne, et à établir un gouvernement moins empreint d’un libéralisme pratique que d’un esprit révolutionnaire et anti-religieux. Tel fut le triste résultat d’idées excellentes et généreuses, mais apprises par cœur, et qui n’émanaient pas de la nature même des choses. Tout gouvernement qui a perdu le sentiment national est impropre à remplir sa tâche, et celui de 1820 ne fit que professer des idées étrangères et nouvelles, qu’il mêla dans la pratique d’anciens vices portugais.

Le roi, obéissant au vœu de la nation, avait quitté le Brésil et était venu se placer sur son trône constitutionnel ; les Anglais avaient disparu ; le mobile commun de la révolution n’existait plus, et les cortès s’étaient isolées du peuple en défendant trop ardemment ses droits. La misère augmentait toujours. La séparation du Brésil, hâtée peut-être par les fausses mesures des cortès, et dont on les rendit responsables, fut suivie d’un énorme déficit dans les recettes, et causa le mécontentement le plus vif. Ce fut au milieu de cette disposition des esprits que se termina la session des cortès constituantes, qui avait duré près de deux ans. Le 1er  décembre 1822, les cortès ordinaires s’assemblèrent à Lisbonne sous les plus sinistres présages. Un parti actif s’organisait contre elles. La reine Charlotte avait refusé de prêter serment à la constitution, et les intrigues qu’elle ourdissait du château de Ramalhao, où les cortès l’avaient exilée, animaient les complots des absolutistes. La réunion des troupes françaises sur les Pyrénées les encourageaient encore, tandis que dans l’assemblée une minorité anarchique entravait la marche du gouvernement. Celui-ci n’était soutenu que par une majorité incertaine, et ne pouvait compter sur l’armée, qui n’était pas payée ; il fut tracassier plutôt qu’énergique, et devint plus oppressif à mesure qu’il était plus faible et plus abandonné. Il s’aliéna tout le monde, et enfin resta sans force au milieu des partis extrêmes.

Cette situation fut encore aggravée par la révolte du comte d’Amarante, qui, à la fin de février proclama le roi absolu dans la province de Tra-os-Montès. Le comte d’Amarante, ce maniaque intrépide, plus connu sous le nom de marquis de Chaves, sans appartenir à l’une des plus grandes maisons de Portugal, était d’une naissance distinguée. Son père, Francisco da Silveira, avait joué un noble rôle dans la guerre de l’indépendance ; ses alliances et le crédit de sa famille faisaient de lui un ennemi dangereux ; plusieurs gentilshommes des provinces du nord, la plupart ses parens, se joignirent au marquis, et ce ne fut pas sans étonnement qu’on vit au nombre de ses adhérens MM. Antonio da Silveira et Gaspard Texeira[1]. Le premier avait été chef de la junte de Porto, et tous deux s’étaient montrés les plus ardens promoteurs de la constitution espagnole. Le marquis de Chaves, après quelques combats peu importans, fut forcé de se retirer, avec près de trois mille hommes, dans le royaume de Léon.

  1. M. Antonio da Silveira fut créé depuis vicomte de Canellas, et M. Gaspard Texeira vicomte de Peso da Regoa. Comme presque tous les personnages qui jouèrent un rôle dans ces évènemens ont changé de noms dans la suite, je me servirai, pour les désigner, des titres sous lesquels ils sont généralement connus.