Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
REVUE. — CHRONIQUE.

essentiellement agricoles et qui exportent une immense quantité de produits n’ignorent pas qu’on ne vend qu’à ceux qui peuvent acheter, et que toute entrave apportée aux échanges diminuerait leurs revenus. Si des lois prohibitives étaient rendues, la lutte entre le nord et le midi de l’Union ne tarderait pas à éclater, avec toute la violence qu’apportent ces peuples dans leurs luttes politiques, et nous verrions peut-être s’accomplir de nos jours une séparation dont l’époque approche en raison directe de l’accroissement de la population.

L’affaire de M. Mac-Leod ne tardera pas à être résolue d’une manière satisfaisante pour l’Angleterre. Dans notre impartialité, nous l’avons toujours dit, il est par trop absurde de vouloir condamner judiciairement un étranger, un militaire, qui, en faisant un acte de représailles, n’a fait qu’exécuter les ordres de son gouvernement. Le gouvernement anglais avoue hautement son agent ; s’il y a eu un acte d’hostilité, d’hostilité illégitime, ce n’est pas à coups d’arrêts, c’est à coups de canon qu’il faut en obtenir réparation. Au fait, l’Amérique est dans ce moment hors d’état de tirer le canon contre qui que ce soit. Les affaires publiques y ont été, dit-on, fort mal administrées. Un pays dont la prospérité paraissait illimitée, et la puissance de plus en plus croissante, se trouve avec un déficit dans son budget, avec ses côtes dégarnies, ses ports et ses villes exposés aux insultes d’un ennemi. Grande leçon pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus de la nécessité d’un gouvernement fort, d’une administration vigilante et sévère ! Un gouvernement impuissant, qui se traîne à la remorque d’un parti, corrompt tout ce qu’il touche et communique au pays le mieux doué sa propre impuissance.

La clôture de la session a dispersé nos hommes politiques ; la politique intérieure se trouve, je dirais presque en panne entre les souvenirs de la session qui vient de finir et les lointaines prévisions de la session future.

Laissant de côté les détails, deux points nous paraissent bien établis par la dernière session. La chambre des députés ne s’est pas montrée hostile au cabinet, sans cependant qu’on puisse en conclure qu’il y a une majorité à lui, prête à le suivre dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. C’est une majorité qui fait, ou, à mieux dire, qui croit faire ses propres affaires, réaliser ses idées, ses pensées. Elle accepte un cabinet, elle le soutient comme un mandataire qui lui paraît habile. Mais il n’y a pas entre elle et lui ce lien intime qui fait qu’on veut celui-là et pas un autre. Elle sait mieux encore quels sont les hommes qu’elle ne veut pas que ceux qu’elle préfère. La chambre actuelle a traversé tant de ministères, elle a vu arborer au milieu d’elle tant de drapeaux, elle a tant vu d’hommes dire, écrire successivement le pour et le contre, qu’elle a dû tomber dans une sorte d’incrédulité politique. Sans doute elle veut la monarchie, l’ordre, la charte ; qui ne les veut pas, une poignée d’hommes excentriques exceptés ? Mais si, au lieu de ces larges questions, on veut arriver à des questions politiques spéciales, la majorité devient toute de suite douteuse. Si certaines questions politiques sont soulevées, et cela est très probable, à la session prochaine, nul ne peut dire quelle solution elles recevront dans la chambre des députés. Quoi qu’il en soit, le ministère