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citons ce pays, il n’y a rien là qui ressemble aux préparatifs d’une révolte. Ce sont des sujets très fidèles et très affectionnés qui disent au monarque avec les formes les plus respectueuses : On nous a fait une promesse, une promesse formelle, tenez-la. Le roi, honnête homme, esprit éclairé, désirant le bien, ayant déjà commencé à le réaliser, ne nie pas la promesse, il ne refuse pas de l’accomplir mais il est blessé de l’impatience de ses sujets. De là une brouillerie, comme entre amis, pour un malentendu ; le roi ne visitera pas sa bonne ville de Breslaw : voilà la vengeance. Et les Silésiens de s’étonner, de s’expliquer, de s’excuser, mais en vrais et bons Allemands, avec beaucoup d’humilié et d’affection, sans renoncer toutefois le moins du monde à leurs profondes convictions, sans trahir leur conscience. En vérité, lorsque c’est ainsi que les choses se passent, il n’y a pas grand mérite à prévoir qu’il ne s’écoulera pas de longues années avant que la Prusse obtienne sans troubles et sans secousses une constitution raisonnable, une représentation nationale. Tout y prépare, tout y conduit en Prusse, les pensées du roi comme celles des peuples. Le retard n’aura pas été fâcheux. Les Prussiens se trouveront tout prêts pour des luttes parlementaires graves, dignes, sérieuses. Ils n’offriront pas au monde le spectacle quelque peu risible de peuples qui endossent précipitamment un costume qui ne va pas à leur taille. Nous comprenons au reste la réserve et même la mauvaise humeur du roi. La Prusse n’est point un état isolé ; elle se trouve dans des circonstances politiques très délicates, très compliquées, qui peuvent lui promettre un brillant avenir, mais qui ont besoin d’être exploitées avec ménagement et prudence. Une tribune à Berlin, c’est un grand évènement. C’est dire, une tribune en Allemagne, car que signifient, en comparaison de Berlin, au point de vue politique, Munich et Carlsruhe ? Le mouvement, les idées, l’esprit national, la pensée allemande, tout est à Berlin. Aussi, n’en doutons pas, le cabinet de Potsdam doit être assailli de sollicitations, de conseils, d’insinuations pour le détourner de cette grande concession. Elle embarrasserait fort plus d’un gouvernement d’outre-Rhin, et attirerait de plus en plus sur Berlin les regards et les sympathies de l’Allemagne tout entière. La situation est délicate ; elle se lie aux combinaisons les plus intimes de la politique extérieure. Le gouvernement prussien a intérêt à satisfaire les vœux légitimes du pays, à tenir les promesses de la royauté mais il n’est pas moins intéressé à épier avec calme et pleine liberté d’esprit le moment favorable. De là sans doute le mouvement d’impatience, la colère paternelle du roi. C’est un chasseur à l’affût auquel des enfans pétulans ont crié tout haut : Tirez donc.

Aux États-Unis, les finances de l’état ne sont pas dans une situation brillante. On annonce un déficit considérable, et, dans les pays démocratiques il n’est pas facile d’augmenter les impôts ou d’en établir de nouveaux. On se rejette sur les droits de douane, par cette fausse idée que ce sont là des droits que l’étranger paie ; d’ailleurs on a pour soi tous les producteurs nationaux. Si les états du nord pouvaient seuls décider la question, nul doute que l’intérêt mal entendu des manufacturiers ne jetât le gouvernement de l’Union dans toutes les folies du système protecteur ; mais les états du sud, qui sont