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GALILÉE.

soient jamais descendus sur la terre. Grand astronome et grand géomètre, créateur de la véritable physique et de la mécanique, réformateur de la philosophie naturelle, il fut en même temps un des plus illustres écrivains de l’Italie, et il força ses adversaires à reconnaître que l’on pouvait être à la fois géomètre et homme d’esprit. Poète enjoué et auteur comique plein de verve et de sel, il composa, comme plus tard Torricelli, des comédies qu’on a eu le tort de ne jamais publier. Il excella dans la théorie et dans la pratique de la musique, et se distingua dans les arts du dessin. Il fut le modèle et le maître des savans du xvie siècle, des Torricelli, des Viviani, des Redi, des Magalotti, des Rucellai, des Marchetti, qui apprirent de lui à faire marcher de front et avec un égal succès les sciences et les lettres, et qui appliquèrent ses préceptes à toutes les branches des connaissances humaines.

La philosophie scolastique ne put jamais se relever du coup que Galilée lui avait porté, et l’église, qui malheureusement se fit l’instrument de la haine des péripatéticiens, partagea leur défaite. Comment, en effet, oser prétendre à l’infaillibilité, après avoir déclaré fausse, absurde, hérétique et contraire à l’Écriture, une des vérités fondamentales de la philosophie naturelle, un fait incontestable et admis désormais par tous les savans ? La persécution contre Galilée fut odieuse et cruelle, plus odieuse et plus cruelle même que si l’on eût fait périr la victime dans les tourmens, car la nature humaine a les mêmes droits chez tous les individus, et il n’y a pas de priviléges en fait de souffrances physiques. Galilée, dans ses tourmens, ne mériterait donc pas d’exciter une plus grande commisération que tant d’autres victimes moins célèbres de l’inquisition : aussi, ce ne fut pas sur le corps seul de Galilée qu’on s’acharna ; on voulut le frapper au moral, on lui interdit de faire des découvertes, et, l’enfermant dans un cercle de fer, on le laissa aveugle et isolé se consumer dans les angoisses d’un homme qui connaît sa force, et auquel il est défendu d’en faire usage. Cette fatale vengeance, qui pesa si long-temps sur Galilée, avait pour but de le rendre muet ; elle effraya ses successeurs et retarda le progrès de la philosophie ; elle a privé l’humanité des vérités nouvelles que cet esprit sublime aurait pu découvrir. Enchaîner le génie, effrayer les penseurs, arrêter les progrès de la philosophie, voilà ce que tentèrent de faire les persécuteurs de Galilée. C’est là une tache dont ils ne se laveront jamais.


G. Libri.