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que le manuscrit en avait été dérobé à l’auteur. Mais de tous les amis de Galilée, aucun ne montra autant de courage que Peiresc. Ce célèbre magistrat, qui était animé d’un si grand zèle pour les progrès de toutes les connaissances humaines, avait formé en tout genre de magnifiques collections, qui depuis ont été dispersées ou négligées. Il avait été en Italie dans sa jeunesse et s’était arrêté à Padoue pour entendre Galilée. Là, vivant avec des hommes érudits, Aleandro, Pignoria, Pinelli, il était devenu un des admirateurs les plus passionnés du célèbre professeur de mathématiques.

De retour en France, Peiresc entretint avec tous les savans de l’Europe une correspondance qui devint un des monumens littéraires les plus importans du XVIIe siècle, et qui, long-temps négligée, finira peut-être par disparaître sans qu’on ait fait usage des trésors qu’elle renferme. Lorsque Peiresc apprit que le plus illustre de ses amis, Galilée, était persécuté, il s’adressa au cardinal Barberini, qu’il connaissait particulièrement, pour le prier d’obtenir du pape qu’on laissât au moins mourir en paix l’auteur de tant d’immortelles découvertes. Les sollicitations d’un magistrat aussi respectable par ses talens que par son caractère, d’un homme pieux et sincèrement attaché à la religion catholique, qui s’exprimait avec une noble franchise, semblaient devoir faire une vive impression sur l’esprit d’Urbain VIII, qui le connaissait et qui avait appris à l’estimer ; malheureusement elles ne produisirent aucun résultat : on lui répondit à peine. Vainement Peiresc prédisait hardiment, avec une justesse remarquable, qu’une telle persécution serait une tache pour le pontificat d’Urbain VIII, et que la postérité la comparerait à la condamnation de Socrate. Galilée aveugle ne fut pas moins contraint de passer ses derniers jours relégué à la campagne, loin de toute consolation, n’osant pas recevoir ses amis ni leur écrire, tremblant même de communiquer à qui que ce fût ses découvertes, de crainte de tomber dans les embûches de l’inquisition. Et cependant ni sa cécité, ni son grand âge, ni les rigueurs du saint-office, ne purent l’empêcher un seul instant de se livrer à ses profondes et fertiles méditations, d’animer ses élèves à la recherche de la vérité, de cette vérité que, d’après le témoignage même de ses ennemis, il prêchait avec un ascendant irrésistible, et dont il fut le martyr. Où trouve-t-on un autre exemple, depuis que le monde existe, d’un homme pliant sous le faix des années, aveugle, traqué par les inquisiteurs, et, nonobstant cela, capable de publier ces Discours et Démonstrations mathématiques dont Lagrange a dit qu’il fallait un génie extraordinaire pour les composer, et qu’on ne pourra jamais assez admirer ? Lorsque,