Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
GALILÉE.

ne semble pas avoir été bien saisi. Galilée ne fut pas seulement géomètre, astronome et physicien, il fut le réformateur de la philosophie naturelle, qu’il assit sur de nouvelles bases, l’observation, l’expérience et l’induction, et dans laquelle il introduisit le premier l’esprit géométrique et la mesure.

Des écrivains peu familiarisés avec ces matières ont avancé à tort que le renouvellement des sciences était dû à François Bacon. D’abord il faut remarquer que l’antériorité appartient à Galilée, qui, depuis quinze ans, répandait du haut de la chaire sa nouvelle philosophie sur des milliers d’auditeurs de toutes les nations, et qui avait découvert les lois de la chute des corps, observé l’isochronisme des oscillations du pendule, et inventé le thermomètre long-temps avant que le chancelier d’Angleterre eût commencé à publier ses ouvrages philosophique. Lorsque le Novum Organum parut pour la première fois, Galilée avait publié le Compas de proportion, le Nuncius sidereus, le Discours sur les corps flottans, l’Histoire des taches solaires ; il avait deviné le télescope, inventé le microscope, découvert les phases de Vénus et les satellites de Jupiter ; il avait posé les bases de la mécanique ; il s’était appliqué à toutes les branches de la physique et de la philosophie naturelle, et, par ses succès, il était parvenu à soulever contre lui les moines et les péripatéticiens, et à provoquer une première sentence de l’inquisition. Qu’a fait Bacon pour les sciences ? Les admirables préceptes répandus dans ses écrits, et qui avaient pour objet de faire de l’observation la base de toutes nos connaissances, ne l’ont pas empêché de se tromper fréquemment dans les applications. Bacon a nié le mouvement de la terre, et dans les ouvrages où il a traité des sujets scientifiques, il est resté dans les généralités et n’a su s’élever à aucune découverte. Il a dit aux autres, avec un talent admirable, comment il fallait marcher, mais il n’a pas fait un pas ; tandis que Galilée s’est avancé rapidement, de découverte en découverte, joignant le précepte à la pratique et détruisant partout les vieux préjugés. L’influence de Bacon s’est fait sentir surtout au XVIIIe siècle : l’empirisme et l’école sensualiste en sont les résultats. Mais la grande révolution scientifique du siècle précédent s’est opérée sans que cet illustre philosophe y ait pris part ; cette révolution est due à Galilée. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les écrivains qui, au XVIIe siècle, ont contribué le plus au renouvellement des sciences. Tous parlent de Galilée, ils s’appuient sur ses découvertes, ils adoptent sa philosophie, tandis qu’ils ne citent Bacon que bien rarement.