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l’auteur ; c’est le seul morceau de la pièce où l’on pressente dans l’exécution une intention intelligente, où puissent revivre encore les souvenirs des chœurs allemands.

Mlle Stoltz n’a rien compris au rôle d’Agathe. Toutes les charmantes intentions du compositeur s’effacent sous l’interprétation vulgaire de la cantatrice ; dans le grand air du second acte, air qui, par son élan passionné, électrise les natures les moins impressionnables, Mme Stoltz reste aussi glacée, aussi terne qu’en chantant le récitatif de M. Berlioz. Mme Stoltz ne trouve son pendant que chez M. Marié, qui se fait, comme elle, un jeu des intonations et des mouvemens indiqués. Pour le jeune ténor, le texte de l’auteur n’existe plus du moment qu’il est en présence du public ; dans tout le cours du rôle de Max, M. Marié a trouvé à peine une ou deux occasions de se faire applaudir d’une façon à peu près méritée ; c’est avoir certainement du malheur quand on pense au succès qu’obtenait l’Allemand Haitzinger dans cette heureuse création de Weber, et au peu d’effort qu’il semblait faire pour mettre en lumière les trésors de mélodie qu’y avait semés le compositeur.

On conçoit difficilement que l’Académie royale de Musique se soit résignée à mettre en scène un des plus beaux et des plus complets ouvrages de notre temps avec de semblables chanteurs. Le Freyschütz de Weber valait bien la peine qu’on fît taire les petites haines jalouses des prime-donne de l’endroit, et qu’on engageât Mlle Loëve, la cantatrice allemande qui est restée deux mois à la disposition de l’Opéra, et que, par une faiblesse inqualifiable, on a laissé partir. On aurait pu aussi employer à l’égard de Duprez, et pour lui rendre le rôle de Max abordable, les moyens dont on s’est servi pour faciliter le rôle d’Agathe à Mme Stoltz. Dans le cas même où l’une des tentatives que nous indiquons n’eût point réussi, on aurait du moins témoigné le désir sincère de rendre au génie de Weber l’hommage qui lui est dû.


Nouveaux portraits, par M. Charles Nodier[1]. — Il faut le dire, on a beaucoup abusé des mélanges dans ce temps-ci, et presque chacun, sans se donner la patience d’attendre, de compléter, de coordonner, de rectifier, recueille au fur et à mesure les fragmens qu’il sème dans les journaux, comme pour régler de temps en temps avec le passé. Sans doute il ne faudrait pas trop se plaindre de cette méthode, car elle nous a valu des collections excellentes ; en philosophie, par exemple, les fragmens de M. Cousin et de M. Jouffroy ; en littérature, les charmans portraits de M. Sainte-Beuve ; il ne faudrait pas trop s’en plaindre, car c’est là une des conditions même de la littérature actuelle. À mesure, en effet, que la presse a tenu plus de place, les meilleures plumes s’y sont vouées, les unes un peu, les autres tout-à-fait. Il y a

  1. Un vol. in-8o, chez Magen, quai des Augustins.