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qu’il faut parler mille langages, étudier mille nuances, ménager mille caprices, et dépenser en ces misères le temps, la parole, la pensée, le travail et la vie ?

Nous ne nous méfions pas des hommes, mais des circonstances où ils se trouvent placés. Ce que nous voudrions, quel que soit d’ailleurs le cabinet, c’est une administration qui parvînt enfin à reconstituer dans les chambres une de ces majorités sans lesquelles la politique extérieure ne peut être conduite avec l’esprit de suite et de prévoyance qui doit appartenir au cabinet d’une grande puissance.

Sans doute les démocraties ne comportent pas, nous l’avons souvent dit, ces organisations parlementaires fortes et compactes dont la vieille Angleterre avait donné l’exemple et le modèle ; mais on a exagéré chez nous même les tendances de la démocratie.

D’ailleurs, n’est-il pas évident que le cabinet n’a vécu jusqu’ici que d’une vie en quelque sorte provisoire ? qu’il a dû s’appuyer tour à tour des opinions les moins homogènes, et que cette portion du centre gauche qui a voté d’ordinaire avec les centres, était encore plus préoccupée du renversement de l’ancien cabinet que de la fondation du nouveau ?

Ces remarques ne sont pas un reproche. Il fallait exister d’abord et traverser le moins mal possible la session qui s’ouvrait à la naissance même du ministère.

Mais la session touche à son terme. Le cabinet est trop éclairé pour ne pas comprendre que cette vie provisoire ne pourrait se traîner au travers de la session prochaine. Il faut trouver l’élixir de vie ou succomber.

Parlons sans figures. Ou le ministère trouvera les moyens de cimenter l’union d’une fraction du centre gauche avec les centres, ou son existence sera tous les jours compromise ; il sera tous les jours à la merci d’un vote, d’un mouvement d’humeur, d’une combinaison nouvelle.

Le centre gauche a des doctrines, des précédens, des engagemens ; on ne peut exiger de lui qu’il les abdique. Il s’abdiquerait lui-même. Aussi la question pratique est toute simple. Une transaction, une transaction dans les choses, est-elle possible entre une portion du centre gauche et les centres ? En d’autres termes, les centres peuvent-ils enfin consentir à certaines concessions, accomplir aujourd’hui ce qu’ils n’ont jamais proclamé impossible, mais ce qu’ils ont toujours ajourné ?

Nous ne nous chargeons pas de la réponse. Nous ne sommes ici qu’historien. En fait, c’est là la question, la clé de la situation. Nous posons le problème. Ce n’est pas à nous qu’il appartient de le résoudre.


— Le Théâtre-Français ne chôme pas ; il n’y a pas pour lui de saison d’été. Pendant que le plus brillant et le plus royal de ses jeunes talens est allé faire croisade pour Racine et Corneille outre Manche, les débuts ici se multiplient ; il y en a eu d’heureux. Le Molière va toujours ; en attendant une autre Céli-