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LA HOLLANDE.

d’une famille patricienne qui s’est acquis un honorable renom dans la magistrature et l’enseignement, M. Van Lennep se trouva, dès sa première enfance, placé dans les conditions les plus favorables pour acquérir promptement une brillante et sérieuse instruction. La société éclairée au milieu de laquelle il vivait, les leçons de son père, professeur à l’athénée d’Amsterdam, littérateur érudit et poète aimable, tout contribua à développer bien vite dans l’ame du futur romancier de la Hollande l’amour de l’étude et le sentiment de la poésie. Son premier ouvrage date de 1820 ; c’est un recueil plus remarquable par la netteté et la facilité du style que par la pensée. Mais le style a toujours été, pour les Hollandais, une question de la plus grande importance, et ce début du jeune écrivain fut accueilli avec faveur. Bientôt sa muse s’enhardit et s’élança vers un plus large espace ; il se mit à étudier l’histoire de son pays et trouva dans les annales du moyen-âge des pages héroïques, des faits mémorables qui souriaient tout à la fois à son patriotisme et à son imagination. Le sujet de chacune de ses œuvres est emprunté à cette source féconde ; ses poèmes sont des épopées en vers lyriques qui racontent les péripéties d’une guerre nationale, l’éclat d’une victoire et la renommée d’un héros. Ses romans peignent les sites illustrés par quelque évènement traditionnel, et retracent avec une rare vérité les croyances, les mœurs des anciens Hollandais, et les coutumes de certaines provinces[1]. On voit que, dans ces divers récits, il a essayé de faire pour la Hollande ce que Walter Scott a fait avec tant d’éclat pour l’Écosse, et, s’il est resté au-dessous de son modèle, il n’en a pas moins le mérite d’avoir frayé, dans la littérature de son pays, une nouvelle route et ravivé habilement des noms glorieux, des faits poétiques, des usages touchans, naguère encore méconnus ou ignorés.

M. Bogaers, né à Rotterdam à peu près à la même époque que M. Van Lennep, n’a écrit que deux petits poèmes et un ouvrage en prose ; mais ces trois ouvrages sont travaillés avec un soin extrême, et cités déjà comme des productions classiques. Dans le premier de ses poèmes, l’auteur raconte la dernière navigation et les dernières heures de Heemskerk, le noble amiral de Hollande, qui, après avoir exploré jusqu’à la Nouvelle-Zemble les mers polaires, s’en alla mourir à Gibraltar. Dans le second, il retrace avec grace et sentiment l’histoire de Moïse sauvé des eaux du Nil. Son volume en prose est un

  1. Un des plus récens et des meilleurs romans de M. Van Lennep, la Rose de Dékama, a été traduit en allemand et en français, et l’on en a rendu compte dans cette Revue.