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à toutes les questions, discuté toutes les théories et jeté au milieu des paradoxes parfois les plus étranges les éclairs les plus merveilleux. Pour oser apprécier dans l’ensemble tant de travaux si disparates, il faudrait des années d’étude, et les fragmens que nous pourrions en extraire n’en donneraient qu’une idée faible. Force nous est donc de passer à côté de ce singulier écrivain comme on passe à côté d’un chêne séculaire, sans en compter les rameaux et sans en mesurer la hauteur. Dans sa vieillesse, il était fort préoccupé de pensées religieuses, de pensées mystiques, et il les a semées dans l’ame de plusieurs jeunes gens qui venaient, comme des disciples dévoués, interroger son expérience et recueillir ses entretiens. Sur d’autres il a agi par ses principes d’esthétique ou ses tendances politiques ; et ce qu’il n’a pu faire par la parole, il le fait chaque jour encore par ses œuvres ; il est le premier guide d’une foule de jeunes esprits studieux et entreprenans, il est le chef d’une nouvelle littérature.

Dans tout ce qui s’écrit aujourd’hui en Hollande il y a bien plus de véritable sentiment de nationalité qu’il n’y en avait dans les œuvres élégantes du XVIIIe siècle. Les poètes, les érudits, comprennent enfin que l’on a assez fait parader sur la scène les Alexandre et les Artaxerce, et qu’ils peuvent, sans se compromettre, en venir à une époque un peu moins éloignée, nous montrer d’autres héros et d’autres traditions. Une société de Leyde s’occupe avec zèle des questions de philologie et de littérature hollandaise. Un écrivain habile et érudit, M. de Clercq, a publié un excellent travail sur l’influence des diverses littératures étrangères en Hollande. M. de Jonghe, l’archiviste du royaume, écrit, après vingt années de recherches patientes et éclairées, une histoire complète de la marine hollandaise. C’est sans aucun doute l’un des livres les plus consciencieux qu’on ait jamais faits. D’autres ouvrages, entrepris dans une même pensée de patriotisme, ont obtenu un légitime succès. Dans le nombre, je distingue l’Histoire de la Poésie néerlandaise, de M. J. de Vries, le Dictionnaire biographique et anthologique, de M. Geysbeck, une Histoire de la Littérature hollandaise, par M. Siegenbeck, et une autre en français, par M. s’Gravenwaert, qui joint à ses titres de critique et de philologue habile celui de poète élégant ; un très bon travail de M. Van der Berg sur les traditions néerlandaises du moyen-âge, et un recueil des anciens chants populaires, par M. Lejeune.

M. J. Van Lennep est l’un des écrivains actuels les plus féconds et les plus goûtés de la Hollande. Il n’a que quarante ans, et il a déjà publié quatre romans et neuf volumes de poésies. Né à Amsterdam