Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/885

Cette page a été validée par deux contributeurs.
881
LA HOLLANDE.

grande quantité de traductions d’ouvrages français, allemands, anglais, une longue histoire des Pays-Bas par M. Wagenaar, qui est, comme l’a dit un spirituel écrivain anglais, une sorte de procès-verbal de l’histoire rédigé par un clerc de notaire : voilà, si je ne me trompe, tout ce qu’a produit à peu près le XVIIIe siècle et le commencement du XIXe siècle dans les silencieuses plaines de Hollande.

L’époque actuelle est plus hardie et plus vivace ; le souffle du romantisme a pénétré au sein de ces cités où siégeaient autrefois, sur leur chaire curule ornée d’emblèmes ingénieux, les chambres de rhétorique, et Bilderdyk a donné l’impulsion à plusieurs écrivains de talent ; Bilderdyk, l’un des hommes les plus prodigieux qui aient jamais voué leurs veilles aux muses et pris le bonnet de docteur dans une université : poète, jurisconsulte, médecin, historien, astronome, antiquaire, chimiste, dessinateur, philologue, ingénieur et critique, il semble qu’il ait été saisi par le démon de Faust, emporté de région en région dans les domaines de l’étude sans pouvoir jamais apaiser sa soif de science. Sa vie ne fut qu’une longue et infatigable exploration, une sorte de course au clocher à travers les broussailles les plus ardues de l’érudition et les précipices de l’erreur, pour arriver à découvrir tantôt les lois de l’organisme animal, tantôt les phénomènes de la végétation, aujourd’hui une nouvelle glose sur Homère, demain une interprétation ignorée d’une page de Cujas. Sa fortune fut comme son génie, incertaine, capricieuse, bizarre. À vingt ans, couronné avec éclat dans un concours, il abandonne soudain la poésie qui venait de lui faire si vite une si grande réputation : il se jette dans la politique ; il émigre avec le stadhouder et donne des leçons de langue, de dessin, de jurisprudence, pour vivre. L’Angleterre l’ennuie, il va en Allemagne. Le romantisme allemand l’irrite, il retourne en Hollande. Le roi Louis l’appelle à sa cour, le reçoit avec distinction, lui donne un traitement considérable, un titre honorifique. Le voilà riche et heureux ; mais Louis quitte la Hollande, et Bilderdyk, qui était un peu comme la cigale, aimant mieux chanter que de songer aux mauvais jours, tombe dans la misère. Il sollicite une chaire à l’université de Leyde, et on la lui refuse. Enfin, le gouvernement lui accorde une pension, et, à l’aide de ce modique secours, il continue ses études, ses recherches, il écrit des vers, de la prose, des tragédies, des idylles, et, à l’age de soixante-dix ans, peu de temps avant sa mort, il commençait un poème épique sur la destruction du monde primitif. Ses œuvres se composent de plus de trente volumes d’art, de science, de littérature : il a touché