Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/883

Cette page a été validée par deux contributeurs.
879
LA HOLLANDE.

riant au milieu des flots de la grève, et qui meurt dans ce jeu cruel. On cite aussi, comme un morceau plein d’une noble et ardente indignation l’ode suivante, intitulée le Traître à la patrie :

« Ce fut pendant la nuit que ta mère t’enfanta, pendant la nuit la plus sinistre ! Les esprits infernaux assistaient à ta naissance, l’oiseau des ténèbres fit entendre par trois fois son cri de fatal augure, la mer trembla, les flots mugirent. Une sombre rumeur pénétra jusque dans le chœur des anges. Ta mère te regarda, et la vie s’enfuit de son cœur désolé. Ton père gémit, te regarda de plus près et fut terrassé par la douleur, car alors une voix résonnait dans sa demeure comme un coup de tonnerre, et cette voix disait : Que chacun s’éloigne de ce monstrueux enfant. Le ciel dans sa colère l’a mis au monde pour le malheur du peuple. Le plus cruel démon de l’abîme sera son guide sur la terre. Cet enfant trahira sa patrie, et frappera la liberté au cœur. L’or ne rassasiera pas son ame avide de richesses. Toute sa vie jouet de son ambition, il sera l’ardent esclave des princes. Son cœur ne sera que fausseté, sa bouche ne vomira que mensonges. Sans crainte et sans pudeur, il s’écriera avec orgueil : L’action est à-moi ! En vain vous essayerez de détruire son œuvre, en vain vous lui opposerez la force et les remparts. Il est né pour le malheur de sa patrie, pour la calamité du peuple. Traître, monstre maudit, honteuse création de la nature, que la colère de Dieu qui t’épargne dans ce monde, te précipite un jour dans les flammes éternelles ! Mais non, il vaut mieux que tu comprennes la noirceur de ton crime. Que la foudre vengeresse ne t’atteigne pas, tu ne peux craindre la foudre. Non, il faut que ton ame se contracte, se tourmente elle-même dans le sentiment de ton indignité, qu’elle éprouve dans sa torture le pouvoir de Dieu, et, quand viendra le dernier jour ; on lira sur ta tombe : Ci-gît celui qui fut la malédiction de ses amis et de ses proches, celui qui donna la mort à sa patrie ! »

Van Alphen, grand seigneur comme Cats, procureur-général à la cour d’Utrecht, puis pensionnaire de Leyde, publia plusieurs recueils de poésies religieuses et morales, et des fables naïves, des contes pour les enfans, qui sont très souvent réimprimés et très recherchés dans toute la Hollande ; mais on ne saurait, à vrai dire, les compter parmi les œuvres d’art.

Feith, qui jouit encore en Hollande d’une grande réputation, essaya d’aborder le théâtre et n’y réussit guère ; il fut plus heureux dans ses poésies lyriques, dans quelques odes inspirées par un ardent patriotisme, comme celles qui ont pour titre : Aux ennemis de la Néerlande, Hymne à la Liberté, la Victoire de Doggersbank, l’Amiral de Ruyter, et dans quelques élégies. C’est l’un des poètes les plus mélancoliques que la Hollande ait jamais eu. Il aimait les Nuits