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est emprunté à l’une des époques les plus mémorables de l’histoire de Hollande, au temps où une troupe de protestans zélés, portant avec orgueil le titre de gueux qui leur avait été donné par les seigneurs espagnols, engageaient énergiquement la lutte qui devait affranchir leur pays. Il y a dans ce poème des scènes tracées avec fermeté, des incidens qui ont une certaine grandeur ; mais, pour le sauver des ténèbres de la mort, des poètes modernes en ont refait en grande partie le style, et il faudrait en faire autant pour l’épopée de Friso, qui éveilla la muse de Voltaire. Ô Voltaire, quel mensonge de plus à mettre sur votre conscience !

J’aimerais à citer Poot comme un homme de talent, si les critiques hollandais, par les éloges outrés qu’ils lui ont donnés, ne m’ôtaient la possibilité de lui assigner la place qu’il mérite. N’ont-ils pas été, dans leur enthousiasme, jusqu’à le mettre en parallèle avec Robert Burns ? Comparer Pot à Burns, c’est comparer un de ces jolis arbrisseaux des jardins du XVIIIe siècle, façonnés à la main, tailladés et peignés, au chêne des montagnes qui grandit sans entraves, et dont les larges branches s’étendent sur l’eau des lacs. Burns et Poot ont été tous deux fermiers, voilà le point de ressemblance qui existe entre eux ; mais le premier a chanté d’une voix pure et fraîche comme le souffle des vents, dans son vallon d’Écosse, les plus touchantes, les plus naïves émotions de l’ame, et le second a souvent noyé dans une vaine phraséologie des idées qui, pour avoir quelque charme, devraient être exprimées très simplement.

Bellamy, enfant du peuple comme Poot, a plus de sentiment et d’animation ; il naquit à Flessingue, en 1757. Son père était boulanger, et voulait qu’il fût boulanger comme lui ; mais le jeune poète, sentant sa vocation, n’accomplissait qu’à regret la tâche qui lui était imposée, et, dès qu’il avait une heure de loisir, il lisait et s’essayait à faire des vers. Un chant qu’il composa pour une fête anniversaire de sa cité natale attira sur lui l’attention d’un homme généreux et éclairé qui l’enleva à son humble profession et lui fit faire ses études. Le talent dont la nature avait doué Bellamy acquit alors les qualités qui lui manquaient : la pureté d’expression, la grace, l’harmonie. Malheureusement le poète mourut au moment où il donnait le plus d’espérances, à l’âge de vingt-huit ans. Il a laissé quatre petits volumes de poésies lyriques, parmi lesquelles il y a plusieurs pièces touchantes, entre autres une qui a pour titre Rosette. C’est l’histoire d’une pauvre jeune fille qu’un pêcheur emporte en