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LES PROVINCES DU CAUCASE.

couleurs varient peu. La soie la plus légère coûte deux abbus (1 fr. 60 c.) le demi-mètre ; la soie plus forte coûte le double : ce prix est élevé vu l’abondance de la soie et l’imperfection du travail. Les armes se vendent beaucoup moins cher. On m’assure que l’on pouvait faire fabriquer un excellent fusil simple pour trois ducats (36 fr.) ; les poignards, d’une trempe renommée, ont à peu près la même valeur.

La ville de Choumakhie, détruite à plusieurs reprises par les guerres, ou bouleversée par les tremblemens terre, n’a aucun caractère d’ancienneté : elle consiste dans une immense rue, de plus d’une verste de long, et bordée de bazars voûtés. L’eau et la boue y rendent la circulation très difficile. Ce ne fut qu’à cheval que nous pûmes faire quelques achats, et nous rendre à la citadelle qui domine la ville. Je ne parlerai pas des mosquées ni du petit nombre d’édifices élevés par le gouvernement : ce sont des bâtimens sans goût comme sans architecture L’ancienne ville est à deux verstes de distance de la ville actuelle ; elle occupait deux collines réunies par un immense pont ou aqueduc. La population de Choumakhie montait à cent mille ames au commencement du siècle dernier. Pierre-le-Grand saccagea la ville, Nadir-Schah la ruina de fond en comble ; le dernier khan de Chirvan, en la choisissant pour chef-lieu de sa résidence, lui rendit quelque importance ; aujourd’hui Choumakhie a une population de dix mille ames.

Un terrain glaiseux environne la ville. Ce sol, qui ne devient fertile qu’à force de culture, se retrouve dans les montagnes qui se prolongent depuis Choumakhie jusqu’à Noukha, et qui s’élevaient au nord de notre route. En fait de végétation, on ne voit, aux environs de Choumakhie, qu’une multitude de buissons épineux, des roseaux et des joncs. Près de Noukha, la culture du mûrier a pris quelque développement ; aussi y a-t-on établi une filature de soie, qui, dirigée par des Russes, aura bientôt le sort de tous les établissemens créés par une autorité et détruits par celle qui lui succède.

Le relais, appelé Nouveau Choumakhie, situé sur le versant opposé de la montagne que nous avions dû franchir en quittant la capitale du Chirvan, ne consiste qu’en quelques cabanes éparses au milieu des vergers. Si la culture du mûrier était favorisée par des autorités éclairées, elle suffirait pour donner quelque importance aux environs du Nouveau Choumakhie ; mais aujourd’hui ces environs ne sont remarquables que par leur insalubrité. Raconter tous les incidens qui retardèrent mon arrivée à Gandja (Elisabethpol) serait, je crois, de peu d’intérêt : je dus passer une nuit sur un îlot formé par deux bras