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LA HOLLANDE.

rance, cultivant avec amour les lettres au milieu des orages politiques, et chérissant son pays jusque dans ses persécutions. Jeune, il avait parcouru l’Espagne et le Portugal, il avait vu de près l’inquisition et ses cruautés, et il en avait éprouvé un tel sentiment d’horreur, que toute sa vie fut employée à défendre la liberté de conscience. Allié par sa femme à l’illustre maison de Brederode, il devint, dès le commencement de la lutte entre la Hollande et l’Espagne, l’un des plus zélés défenseurs de l’indépendance de son pays et de la réforme. Il fut tour à tour entraîné dans le conflit des questions religieuses et des intrigues politiques, poursuivi par les catholiques, puis par les calvinistes, honoré un jour comme un homme de cœur et de talent, emprisonné le lendemain comme un schismatique, investi d’un haut emploi et banni de sa terre natale, puis rappelé par la clameur publique, et emprisonné de nouveau. On raconte que, lorsqu’il était dans son cachot, sa femme, à laquelle il avait communiqué son énergie, s’en allait dans un hôpital de pestiférés pour y prendre le germe contagieux et le lui rapporter, afin de le soustraire à la honte de l’échafaud. Après toutes ces cruelles vicissitudes d’une existence qui avait un si noble but, Coornhert eut enfin la liberté de se retirer à Gouda, et y mourut presque oublié.

Les œuvres de Coornhert sont l’expression fidèle des idées de dévouement et de liberté qui l’occupèrent toute sa vie. Elles se composent d’un traité de morale, d’un autre qui a pour titre : Dialogues sur le bien suprême. Il traduisit le de Officiis de Cicéron, et publia, avec le concours de la chambre de rhétorique d’Amsterdam, dont il était membre, une grammaire hollandaise. Vers le même temps, un typographe savant, originaire de la France et domicilié à Anvers, Plantin, imprima son Thesaurus linguæ teutonicæ, qui fut modifié, achevé par son prote, Kilian, et publié sous le titre de Vocabulaire étymologique et grammatical, ouvrage excellent, que les érudits aiment encore à consulter. Ainsi, sur la fin du XVIe siècle, la Hollande avait du moins les deux élémens essentiels de sa philologie, la grammaire et le dictionnaire.

Le XVIIe siècle fut pour elle une époque éclatante. Son courage et son opiniâtreté avaient assuré son indépendance. Ses navires parcouraient toutes les mers. Ses amiraux écrasaient, dispersaient les flottes espagnoles ; ses hommes d’état, ses Barneveld, ses Grotius, ses Jean de Witt, étaient célèbres dans l’Europe entière. Ses universités de Leyde, d’Utrecht, de Groningue, de Franecker, se signalaient par