Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/864

Cette page a été validée par deux contributeurs.
860
REVUE DES DEUX MONDES.

où est enfermée Proserpine. Vénus s’avance au milieu des arbres printaniers que l’on nomme : Désir charnel, Plaisir mondain, Tentation ennemie ; elle séduit par ses chants perfides l’innocente prisonnière, qui, ne sachant point à quel piége elle est exposée, franchit d’un pied léger le seuil de sa retraite. À l’instant même, Pluton se précipite sur elle, en lui criant d’une voix fort peu galante : « Malédiction sur toi, indigne hypocrite, pécheresse de Sodome ! je t’arrache à tes vains plaisirs, je t’emmène dans l’enfer ! » Là-dessus reparaît l’interprète moral du drame, qui prouve par ce qui vient de se passer que, lorsqu’une jeune fille a été enfermée par une mère prudente dans la tour de fer de la continence, elle ne doit point prêter l’oreille à la voix séduisante qui l’appelle, sous peine d’être emportée par le méchant esprit dans les ténèbres de l’enfer.

Parfois aussi les chambres de rhétorique d’une ville adressaient à celles des autres villes une question à résoudre, s’invitaient, se provoquaient au combat poétique, et alors c’étaient des réunions solennelles, des fêtes inscrites dans les annales de la contrée, des olympiades. Nous empruntons à un ancien historien des Pays-Bas, Emmanuel de Meterem, le récit d’une de ces réunions, qui renferme de curieux traits de mœurs : « La chambre des violiers d’Anvers, comme ayant emporté le principal prix à Gand, envoya semblable carte aux villes circonvoysines, en l’an 1562, pour y comparoistre le premier d’aougst, et y apporter leur solution sur cette demande : « Que c’est qui invite l’homme le plus aux arts et sciences. » Il n’y avoit pas seulement des prix pour ceux qui donneroyent la meilleure solution, mais aussi pour ceux qui feroyent leur entrée avec le plus de triomphe, de magnificence, et avec le plus de gens, et qui pourroyent le mieux représenter et faire entendre par figure, ou autrement, comment on pourra s’assembler en amitié et départir amiablement. En quatriesme lieu, pour celuy qui représenteroit le plus artistement sa devise. En cinquiesme lieu, pour celuy qui feroit la plus belle et solennelle entrée à l’église. En sixiesme lieu, pour celuy qui feroit le plus beau feu de joye, soit sur l’eau en des batteaux, soit sur terre, à brusler des tonneaux de poix, à faire des fusées, allumer des torches, des lanternes, paelles à feu, etc. En septiesme lieu, pour celuy qui joueroit le mieux sa comédie. En huictiesme lieu, pour celuy qui, aux prologues de son jeu, pourroit le mieux dire : combien les marchands qui se comportent justement sont profitables aux hommes. Et finalement, pour celuy qui pourroit le plus innocemment ou gaillardement faire le fol, sans injure ou des-