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l’Illyrie, dans la Pannonie, dans une partie de l’Italie, en Afrique, en Espagne. Dans ses combats contre l’arianisme, le catholicisme eut pour appui le retour définitif des empereurs grecs à l’orthodoxie décrétée par le concile de Nicée, la papauté et l’épée des rois francs. Mais la lutte fut longue, et les derniers vestiges de l’arianisme ne disparurent que vers la moitié du VIIe siècle. Nous touchons au moyen-âge. Pendant sept cents ans, l’orthodoxie catholique règne seule jusqu’au moment où brillent, au XVe siècle, le bûcher de Jean Hus et l’étoile du matin de la réforme[1]. Voilà le signal de nouveaux combats. On peut dire qu’au XVIe siècle l’arianisme reparaît, si l’on veut donner ce nom aux mouvemens du rationalisme ; mais il faut remarquer qu’il ne s’agit plus des idées de Platon ou des opinions d’Arius : la raison humaine reprend sa marche et ses droits en vertu d’elle-même. Dans cette insurrection générale, tout concourt, tout a sa place, sa mission, son influence. Le rationalisme prouve sa force par la diversité de ses doctrines et le nombre de ses représentans à ceux qui cherchent surtout une religion pratique et claire, il offre le socinianisme et le christianisme raisonnable de Locke ; aux fortes intelligences, il présente l’idéalisme de Spinosa ; plus tard il aura, pour se populariser, l’inépuisable ironie de Voltaire et les pathétiques élans de Rousseau. Il triomphe, mais sa victoire l’enivre ; dans son fol aveuglement, il se dégrade, il se souille, et l’autel qu’il se dresse à lui-même en 1793 devient son écueil et sa honte. Cependant, après tant de tempêtes, le calme a reparu, et il est possible de reconnaître avec impartialité où en sont aujourd’hui l’arianisme et le catholicisme.

Les préoccupations de l’esprit humain sont changeantes : telle question qui à une époque a été l’objet de ses recherches les plus vives, dans un autre temps lui paraît perdre presque toute son importance, ou bien encore les progrès qu’il a faits sur d’autres points lui permettent de transformer la question primitive et de lui assigner une autre place dans le champ de ses spéculations. Or cela est arrivé pour l’arianisme, et en voici la raison. Jamais l’intelligence de l’histoire n’a été plus profonde que dans notre siècle : tout a concouru à nous donner cette supériorité sur les âges précédens, la marche du temps, les grandes choses dont nous avons été témoins, une philosophie forte et savante. On a d’autant mieux compris les faits qu’on avait plus creusé les idées, et la métaphysique a été la cause d’une

  1. Wiclef.