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d’eau avec trois doigts, et pose les vases à terre. Il regarde le soleil entre ses doigts, élève les mains et les pose sur son front en faisant une courte prière à voix haute. Il reste en contemplation, puis se remet à prier en élevant la voix, relève les vases, s’incline trois fois, et chaque fois verse l’eau du vase plein dans le vase vide ; puis il jette l’eau en l’air et retourne dans sa cellule en continuant de chanter les hymnes sacrés. La seconde ablution a lieu dès que les étoiles paraissent, après le coucher du soleil. Un Indien sort tenant un petit cor de chasse ; il en tire quelques sons, s’avance vers le clocher, agite avec force la corde d’une des trois cloches, lève ses mains vers le ciel, contemple le feu éternel, et fait une courte invocation à voix haute. Il continue ensuite de prier à voix basse, les yeux fixés sur l’autel où est allumé le grand foyer. Tous en font autant, et lorsqu’ils ont terminé, ils se rassemblent en groupes et chantent le principe créateur, en frappant en mesure deux petites cymbales.

Le grand-prêtre nous fit assister à une cérémonie bizarre. Nous nous rendîmes près de l’autel, qu’une légère étoffe de soie sépare du feu éternel. Cet autel consiste en sept marches sur lesquelles se trouvent quelques petites idoles en terre cuite, des cymbales, des livres sacrés, les vases qui servent aux ablutions, des cassolettes pour les parfums. La cérémonie fut commencée par quelques sons aigres qu’un des Indiens tira d’une conque marine. Le grand-prêtre fit ensuite une longue invocation à voix haute, pendant laquelle un des assistans agita une sonnette ; des prières à voix basse et la lecture des passages sacrés suivirent cette première invocation. Le grand-prêtre, prenant une cassolette, fit, en la portant, le tour de l’autel ; il répétait des prières auxquelles répondaient les assistans. Prenant deux vases, l’un plein, l’autre vide, il s’aspergea, puis versa l’eau d’un vase dans l’autre, en continuant toujours de prier à haute voix pendant qu’un des assistans agitait des cymbales. La cérémonie finit par une prière à laquelle se joignirent les Guèbres présens ; le grand-prêtre, prenant alors un petit plat chargé de sucre candi, en avala un morceau ; après lui, les deux desservans reçurent chacun une part de sucre, et nous-mêmes nous fûmes appelés à les imiter.

Je visitai les cellules des Guèbres, qui sont toutes blanchies à la chaux et d’une excessive propreté ; pourtant les Guèbres qui les habitent ont à peine les vêtemens nécessaires. Dans chaque cellule sont pratiqués des conduits qui s’allument à volonté ; ils servent soit à éclairer l’intérieur, soit à la cuisson des alimens.

La principale fête des Guèbres est célébrée le 30 décembre, et