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LES PROVINCES DU CAUCASE.

à obtenir une essence qui aurait pu se substituer avec succès à la térébenthine surtout pour les peintures communes. Les premiers essais ont réussi ; mais les employés ont renoncé à les continuer, prétendant que ce travail leur donnait trop d’embarras.

À une distance d’à peu près trois heures de marche de Bakou, s’élève le monastère d’Atesch-Gah (mère du feu). Ce monastère est habité par des Guèbres. Pour m’y rendre, je traversai un terrain pierreux qui me paraissait rebelle à la culture, et pourtant la quantité de villages qui se trouvaient sur notre route m’indiquait assez que le sol était fertile. Mon guide m’assura même que les récoltes de millet étaient très abondantes. La culture du safran est une branche importante des produits de Bakou ; mais c’est seulement vers le sud qu’on le récolte. Après avoir dépassé des villages fondés par les Arméniens dans l’origine, mais occupés aujourd’hui par des musulmans, j’arrivai au monastère d’Atesch-Gah. Cet édifice forme un pentagone irrégulier, n’ayant qu’une seule porte d’entrée. Une cour occupe le milieu ; elle est entourée d’un mur crénelé auquel sont adossées les cellules des Guèbres. Les murailles sont destinées à servir de défense contre ceux qui voudraient troubler les adorateurs du feu dans leurs paisibles invocations.

Le monastère a cinq cents pieds de tour, et les murs s’élèvent à une hauteur de dix-neuf pieds ; au milieu de la cour est un clocher carré. On entre dans l’intérieur du clocher par l’espace compris entre les colonnes qui le soutiennent. Dans les quatre angles sont placés des tuyaux, communiquant par des conduits souterrains avec les sources de naphte. Ces tuyaux s’élèvent à trente-six pieds de haut, et vomissent de fortes colonnes de flamme. Le naphte contient une telle quantité de gaz hydrogène, qu’il s’allume au seul contact de l’air. Au milieu de la voûte du clocher est un enfoncement de forme carrée dont on s’approche par des escaliers en pierre ; un des conduits ayant été rompu, il n’y avait plus que trois des tuyaux qui jetaient des flammes. Un autre conduit placé dans une des cellules lance aussi de vives flammes. Devant ce conduit est placé l’autel où les adorateurs du feu célèbrent les cérémonies de leur religion. C’est sur cet autel que sont brûlés les corps des vrais croyans. À l’époque où nous visitâmes le monastère, douze Guèbres occupaient les principales cellules.

Dès que le soleil éclaire de ses rayons l’enceinte de la cour, chaque Indien sort de sa cellule, portant deux petits vases de métal, l’un vide, l’autre plein ; il prie à voix basse, soulève les vases, s’asperge