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DE L’ARIANISME.

évêques à Nicée. Sur ce nombre, vingt-deux seulement défendirent les opinions d’Arius, et encore quelques-uns, à la fin du concile se détachèrent de la minorité. Ce fut donc à une majorité de trois cents voix qu’il fut voté que le Fils était de la même nature que le Père, et qu’il lui était consubstantiel. C’était déclarer que le Fils n’avait pas été créé, et que de toute éternité il avait coexisté avec le Père ; c’était enfin préférer à une explication rationnelle un mystère incompréhensible, et c’est cela même qui, malgré des révoltes partielles, était conforme aux sentimens et aux désirs du monde tel qu’il se comportait au IVe siècle. Il est vrai qu’en rédigeant le symbole de Nicée, les prêtres chrétiens prononçaient dans leur propre cause, puisqu’ils travaillaient à rendre plus merveilleuse la nature du Christ, dont ils étaient les ministres ; mais il faut convenir que dans cette œuvre ils n’avaient pas à lutter contre le courant de leur siècle. La majorité des hommes avait alors plus besoin de foi que d’examen : ce n’était pas un tort à ses yeux que de présenter à son adoration quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Où donc eût été la nouveauté et la puissance de la religion chrétienne, si l’on eût pu s’en rendre compte comme du système de Platon ? Le rationalisme que représentait Arius pouvait bien inquiéter l’église et la diviser, mais il n’était pas alors assez puissant pour lui imposer ses commentaires et ses formules.

Il y avait au sein du concile un homme qui comprenait avec profondeur et vivacité l’incalculable portée de ce débat ; c’était Athanase. Il avait suivi à Nicée l’évêque Alexandre, il avait discuté avec Arius dans des conférences préparatoires qui avaient précédé l’ouverture officielle de l’assemblée, il avait pénétré tout ce qu’il y avait chez son adversaire de subtilité d’esprit, de souplesse dans la conduite, de persévérance dans la volonté, et il ne partageait pas la confiance de l’empereur, qui s’imaginait que la décision du concile devait tout terminer, tant Constantin connaissait mal les théologiens et les philosophes ! Dans la prévision que les ariens saisiraient la première occasion pour se relever et pour faire reparaître tout ce qu’ils gardaient caché au fond du cœur, Athanase écrivit ce qu’il avait dit au sein du concile, et son argumentation orale devint sous sa plume une polémique complète. Ce qui domine dans les développemens d’Athanase, c’est la nécessité de l’entière divinité du Christ, si l’on veut que la religion nouvelle soit efficace et puisse tenir toutes ses promesses. Nous avons besoin d’un rédempteur, dit Athanase, d’un rédempteur qui soit dieu, qui, par sa nature, soit notre seigneur ; car si le rédempteur n’était pas vrai dieu, les hommes n’auraient fait que retomber dans une nou-