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d’Athanase, Montfaucon et Tillemont avaient pris ce soin. C’est à la doctrine même de l’évêque d’Alexandrie, à ce qu’elle a de plus intime de plus profond, de plus spécialement catholique qu’il s’est attaché. Aussi, après la lecture de son livre, on connaît Athanase jusque dans les derniers replis de sa théologie à la fois si orthodoxe et si spirituelle, on a pénétré dans tous les détails de cette polémique industrieuse qui appelle à la défense de la foi toutes les subtilités de l’esprit. On éprouve un singulier plaisir à voir la théologie, cette forme dogmatique de la métaphysique, épuiser toutes les ressources de la logique la plus raffinée pour démontrer ce qui échappe à la démonstration, c’est-à-dire le merveilleux et l’incompréhensible.

Quelle était, avant l’apparition d’Arius, la véritable croyance de l’église sur le dogme de la Trinité ? Mœhler attache la plus grande importance à prouver que la croyance de l’église a toujours été semblable à elle-même, que les développemens, les éclaircissemens qu’elle a reçus, n’en détruisent pas l’identité constante à travers les premiers siècles. Il passe en revue tous les pères. Dans les temps les plus rapprochés des apôtres, Clément de Rome, Hermas et Barnabé parlent de Jésus comme du Seigneur. Toujours ils le confondent avec Dieu. Quant au Saint-Esprit, il inspire la foi à l’homme et ne laisse subsister dans son cœur ni doute ni hésitation. Rien ne provoquait les successeurs immédiats des apôtres à insister particulièrement sur la distinction du Fils et du Saint-Esprit ; la discussion et la polémique n’avaient pas encore porté sur ce point. Avec saint Ignace et saint Irénée, des symptômes de controverse se déclarèrent. Saint Ignace fut contemporain tant des ébionites que des docètes. Aux yeux des premiers, Jésus était bien un envoyé de Dieu, mais il était né comme les autres hommes. Pour les docètes gnostiques, ils niaient que Jésus-Christ eût pris un corps véritable ; il avait dû lui suffire de revêtir des apparences humaines ; il ne s’était point uni à une enveloppe charnelle, comme notre ame est unie au corps humain. Cette union eût été indigne de la Divinité, et elle était inutile au but que s’était proposé Dieu d’instruire les hommes. Ignace combattait les ébionites et les docètes. Aux uns il opposait la divinité du Christ, aux autres son humanité, et il élaborait une doctrine complète sous le feu de cette double polémique. Saint Irénée continua la même lutte. Il démontra que le Rédempteur devait être à la fois Dieu et homme : Dieu afin d’unir les hommes au divin et à l’incorruptible, homme afin de pouvoir réellement servir de modèle à l’humanité dans ses souffrances et ses combats. Au second siècle de l’ère chrétienne, Justin