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REVUE. — CHRONIQUE.

prenant dans chaque parti ce qu’il y a de moins capable et par cela même de moins saillant. Il n’est que trop vrai que le talent s’allie rarement à la modération : il aime le combat, et il se tient pour battu lorsqu’il ne peut écraser ses adversaires. Le ministère espagnol ne paraît pas inspirer une grande confiance. Le général Infante est sans doute un esprit sage, éclairé, un administrateur habile ; mais on aurait peine à en citer un second dans le cabinet. D’ailleurs, il ne paraît pas qu’il y ait un seul orateur dans le ministère ; cela est grave en présence d’une opposition nombreuse, puissante, et d’un parti gouvernemental qui est blessé de ne pas avoir seul profité de sa victoire, de l’élévation d’Espartero. Aussi commence-t-on à parler du mécontentement de beaucoup d’unitaires, entre autres de Cortina et de Linage. Peuvent-ils, eux dont les vues étaient sans doute des plus ambitieuses, se résigner à l’avénement du ministère Gonzalès, d’un ministère dont ils ne font pas partie, et qui n’est pas composé de leurs créatures ?

Le désir de ne pas recourir à la dissolution des cortès était, certes, une pensée sage, honnête. Nous craignons que les évènemens ne forcent la main à Espartero, et que bientôt l’Espagne ne retrouve dans ses colléges électoraux la lutte des unitaires et des trinitaires.

Il doit bientôt être question de la tutelle de la reine Isabelle ; elle ne peut être confiée au régent. Espartero voudrait y appeler un chef marquant du parti trinitaire, et s’en faire ainsi un moyen de transaction. Les hommes monarchiques voudraient confier la personne de la jeune reine à sa tutrice naturelle, à sa mère la reine Christine ; mais, pour exercer la tutelle, il faudrait rentrer et vivre en Espagne, en présence du nouveau régent et du parti qui lui a fait de l’exil une nécessité. Ce serait une situation délicate, pleine de difficultés, d’anxiétés, de périls. Les amis de la reine Christine doivent désirer que la tutelle ne lui soit pas offerte en ce moment : il serait difficile de la refuser, imprudent de l’accepter.

Les affaires de la Chine sont loin d’être terminées. Le télégraphe nous apprend que les hostilités ont éclaté de nouveau. Les Anglais se sont portés sur Canton et se sont emparés des factoreries et des forts du Bogue. Sans doute les troupes anglaises obtiendront quelques succès, leur artillerie renversera facilement les ouvrages des Chinois, les Anglais s’empareront sans peine des points qu’ils pourront attaquer ; mais quel sera en définitive le résultat de ces expéditions si lointaines, si coûteuses ? Que faire, si l’empereur s’obstine à ne pas céder ? s’il ordonne aux populations de se retirer dans l’intérieur du pays ? s’il ne craint pas d’abandonner à la dévastation et au pillage quelques lieues carrées de son immense empire ? Il est difficile de croire que l’Angleterre trouve une compensation suffisante aux sacrifices qu’elle devra faire en hommes et en argent.

Les affaires de la Suisse paraissent annoncer un arrangement prochain, à la diète de juillet ; Argovie n’a pas repoussé le conclusum de la diète d’une manière absolue. Pour ceux qui connaissent les formules des conseils de la Suisse, il est évident qu’on a reconnu la convenance, la nécessité d’une tran-