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REVUE DES DEUX MONDES.

Verdis le sceptre aimé de tes rois patriarches :
Le joug que l’on choisit est encor liberté !



Et vivent les essaims de la ruche de France,
Avant-garde de Dieu, qui devancent ses pas !
Comme des voyageurs qui vivent d’espérance,
Ils vont semant la terre, et ne moissonnent pas…
Le sol qu’ils ont touché germe fécond et libre ;
Ils sauvent sans salaire, ils blessent sans remord :
Fiers enfants, de leur cœur l’impatiente fibre
Est la corde de l’arc où toujours leur main vibre
Pour lancer l’idée ou la mort !



Roule libre, et bénis ces deux sangs dans ta course ;
Souviens-toi pour eux tous de la main d’où tu sors :
L’aigle et le fier taureau boivent l’onde à ta source ;
Que l’homme approche l’homme, et qu’il boive aux deux bords !



Amis, voyez là-bas ! — La terre est grande et plane !
L’Orient délaissé s’y déroule au soleil ;
L’espace y lasse en vain la lente caravane,
La solitude y dort son immense sommeil !
Là, des peuples taris ont laissé leurs lits vides ;
Là, d’empires poudreux les sillons sont couverts :
Là, comme un stylet d’or, l’ombre des Pyramides
Mesure l’heure morte à des sables livides
Sur le cadran nu des déserts !



Roule libre à ces mers où va mourir l’Euphrate,
Des artères du globe enlace le réseau ;
Rends l’herbe et la toison à cette glèbe ingrate :
Que l’homme soit un peuple et les fleuves une eau !