Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/795

Cette page a été validée par deux contributeurs.
791
LA COUR DES COMPTES.

sous des détails arides, on trouve ici une question qui mérite d’être discutée gravement. En réalité, il s’agit de savoir si le maniement des finances sera contrôlé d’une manière sérieuse et efficace Sous d’autres noms et dans des circonstances bien différentes, nous voyons renaître ici la vieille question des acquits au comptant qui ruinèrent la France pendant près de deux siècles, et dont le président Nicolaï demandait si énergiquement la suppression en 1787. Sans aucun doute, les intentions ne sont plus les mêmes, et les actes ne peuvent se comparer. Aucune époque, aucun pays n’a vu une administration aussi régulière, aussi exacte et aussi probe que la nôtre. On doit même reconnaître que l’administration, loin d’abuser du décret de 1807, songe à peine à s’en prévaloir, puisqu’elle ne s’en est servie que deux fois pendant vingt ans, bien qu’elle n’ait pas manqué d’occasions pour l’appliquer ; mais cette tolérance ne peut passer pour une garantie suffisante. On prétend que le droit existe, qu’il est dans la loi ; c’est une arme toujours prête, et qui peut tomber dans toutes les mains : voilà le danger. Nous vivons aujourd’hui dans un temps calme, où tout est régulier ; les finances sont gérées avec ordre ; l’emploi de la fortune publique défie tous les regards ; l’administration, qui puise sa sécurité dans sa loyauté même, appelle un examen scrupuleux sur tous ses actes : dans des circonstances pareilles, l’article 18 du décret de 1807 n’est pas dangereux. Mais supposez des crises politiques, des troubles civils, ou bien un de ces changemens plus redoutables qui altèrent la constitution par les tendances secrètes du pouvoir, et qui dénaturent le gouvernement sans violer les lois : dans tous ces cas, l’article 18 du décret de 1807 est un péril pour la société. Il supprime le droit de contrôle au moment même où ce droit est le plus nécessaire. Il désarme la cour des comptes au moment où cette magistrature aurait à remplir une de ces missions qui font la gloire des corps judiciaires, et dont le souvenir se conserve dans l’histoire avec honneur. En effet, qu’un gouvernement violent ou perfide fasse revivre l’article 18 dans toute sa rigueur, le fondement de la comptabilité s’écroule, le principe de l’ordonnancement arbitraire se répand dans tous les degrés du service financier ; les fonds des communes et des établissemens publics sont dépensés comme ceux du trésor, sans contrôle : à l’appui des paiemens, la cour des comptes ne reçoit plus de tous côtés que des chiffres, dont l’exactitude matérielle ne lui est pas même toujours démontrée !

En résumé, ne pas reconnaître à la cour des comptes le droit de