Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/794

Cette page a été validée par deux contributeurs.
790
REVUE DES DEUX MONDES.

décision ministérielle. C’est une dernière voie ouverte à l’administration contre les arrêts de la cour. Mais tout le monde comprend que l’usage de ce droit engage plus que jamais la responsabilité des ministres devant les chambres.

Telles sont, du reste, les règles de comptabilité qui ont prévalu dans la pratique depuis plus de vingt ans. Ont-elles gêné le service des dépenses ? ont-elles arrêté un seul paiement utile ? Ces règles au contraire ont répandu partout l’exactitude, la célérité et le bon ordre. Elles ont l’avantage de tracer à chacun des devoirs précis et faciles à remplir. On prétend qu’elles imposent aux payeurs des soins minutieux et des recherches au-dessus de leur savoir ; il n’en est rien. M. Thiers, alors président du conseil, disait l’an dernier à la tribune : « Le payeur est une espèce de jurisconsulte administratif, obligé d’examiner les pièces des fonctionnaires, des fournisseurs, d’examiner si les pièces sont en règle, si toutes les conditions sont remplies ; car le payeur n’est libéré devant la cour des comptes que lorsqu’il a payé sur pièces valables. » Cette définition est on ne peut plus juste. Elle est conforme aux vrais principes de la comptabilité publique ; elle trace les devoirs des payeurs et détermine les droits de la cour des comptes. Le payeur, en effet, est un jurisconsulte administratif ; il paie sous sa responsabilité, par conséquent il doit payer sûrement, légalement, régulièrement, en présence de tous les titres nécessaires pour établir qu’il a payé entre les mains d’un créancier réel une dette de l’état valablement justifiée.

Toute cette question, comme on voit, peut se réduire à des termes bien simples. Les dépenses de l’état doivent-elles être justifiées, oui ou non, par pièces soumises à l’examen de la cour des comptes ? Voilà tout le débat. Il était livré cette année à la discussion des chambres, par le rapport au roi ; les chambres n’en ont pas encore parlé[1]. Elles ont eu sans doute à traiter de plus grandes affaires : qu’on ne s’y trompe pas cependant. Sous des formes mesquines,

  1. On a parlé de la cour des comptes dans la dernière discussion du budget, mais la question du rapport au roi n’a pas été soulevée. Toutefois, on a traité une question importante, qu’il est permis de regarder comme résolue par l’évidence du vœu de la chambre et par les engagemens formels des ministres. Les comptes du matériel de l’état seront livrés au jugement de la cour comme les comptes en deniers. Ce matériel est de 800 millions. C’est une richesse énorme, dont l’emploi, jusqu’ici inconnu et quelquefois suspect, sera désormais entouré de toutes les garanties de publicité et d’examen. Ce résultat est dû en partie à l’insistance louable de M. Étienne fils, qui a trouvé du reste de nombreux appuis dans la chambre, et qui a été secondé par la parole incisive de M. Dupin.