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LA COUR DES COMPTES.

de la cour des comptes, comme pièce justificative du paiement. Ainsi tout est prévu, tout est garanti. Le service se fait sans difficulté. L’ordonnateur et le comptable restent chacun dans son droit. Seulement la responsabilité se déplace ; elle passe du comptable à l’ordonnateur, non pas que ce dernier soit soumis au jugement de la cour des comptes, mais la cour examinera les motifs de sa réquisition. Si l’urgence est invoquée, la cour constatera l’urgence. Si le débat soulevé entre l’ordonnateur et le comptable repose sur une question de droit ou de règlement, la cour appréciera si le paiement a compromis ou non l’intérêt de l’état ; et si les résultats de cet examen la conduisent à ne pas approuver l’acte de réquisition, elle exprimera son opinion dans le rapport au roi.

Ce droit de réquisition suffit, on le voit, pour délivrer l’administration de toute entrave. Munie de cette faculté, elle peut tout faire. Quel que soit l’objet du paiement, quel que soit le chiffre de la dépense, devant une réquisition, la cour s’arrête. C’est un acte administratif, c’est un fait de responsabilité ministérielle ; la cour peut le dénoncer dans son rapport, mais non le juger. Il ne faut pas d’ailleurs comparer ce droit de réquisition à l’article 18 du décret de 1807. Ce sont des principes tout opposés. En vertu de l’article 18, l’administration peut faire payer tous ses mandats sans pièces de dépenses. Les caisses de l’état doivent s’ouvrir devant le simple acquit des parties prenantes. Le défaut de pièces n’engage ni la responsabilité du comptable, ni celle de l’ordonnateur. Si la cour demande des pièces, on les lui refuse ; si elle condamne le comptable, on casse son arrêt pour violation de la loi ; si elle dénonce l’ordonnateur, on lui répond qu’elle dénonce un fait légal et régulier. Tels sont les effets de l’article 18. Mais substituez à l’article 18 l’ordonnance de 1822 avec le droit de réquisition, vous aurez un principe et des effets tout différens. Quel sera le principe ? Ce sera que tous les paiemens devront être justifiés par pièces valables. Le droit de réquisition sera une faculté ouverte pour des cas de nécessité absolue. Il suivra de là que toute réquisition non motivée sera réputée suspecte. Le droit étant exceptionnel, si l’on s’en sert sans nécessité, et comme par un caprice d’arbitraire, l’abus sera flagrant, et sa mention dans le rapport au roi attirera sur les ministres la sévérité des chambres. Il suivra de là aussi que tout comptable qui aura payé sans preuve et sans réquisition pourra être condamné par la cour, et être constitué débiteur du trésor, sans que l’arrêt de la cour puisse être cassé pour violation de la loi. Cette condamnation, il est vrai, pourra être remise par une