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LA COUR DES COMPTES.

épreuve aussi difficile, si elle n’ait pas le meilleur témoignage de la loyauté de ses principes et de la régularité de son action. »

Que dire après de semblables preuves ? Faut-il s’étonner que devant des engagemens si solennels la cour des comptes, armée par la loi, soutenue par l’administration elle-même, ait pris son rôle au sérieux, et soit entrée dès-lors, pour sa part, dans toute la vérité du gouvernement représentatif ? Ne faut-il pas s’étonner plutôt que l’on réveille aujourd’hui, après une longue désuétude, cet article 18, que tant d’actes législatifs ou ministériels semblaient avoir abrogé ?

Toutefois, cet article a suscité une controverse dont nous devons parler. Généralement, ceux qui l’invoquent le défendent par la raison seule qu’il existe, et par un principe d’obéissance aux lois dont l’abrogation paraît douteuse, principe respectable qui semble avoir dicté les avis rendus par le conseil d’état. D’autres au contraire, c’est le petit nombre, défendent le décret de 1807, parce qu’il leur paraît rationnel et nécessaire. « Sans lui, disent-ils, l’administration est impossible ; le service des dépenses souffrirait ; les comptables, effrayés de la responsabilité qui pèserait sur eux, ne pourraient plus suffire à leurs devoirs ; craignant sans cesse les arrêts de la cour des comptes, ils exigeraient des ordonnateurs, à l’appui des mandats de paiement, des justifications minutieuses que l’administration ne pourrait pas toujours fournir, et dont l’absence suspendrait la marche du service. L’administration agit d’ailleurs sous sa responsabilité : il faut donc qu’elle agisse librement. C’est à elle d’apprécier, selon les circonstances, si elle doit produire ou non les pièces justificatives de ses dépenses. C’est à elle aussi de déterminer la nature de ces pièces, quand elle en produit. Si la cour des comptes juge ces pièces insuffisantes, ou bien, ce qui est à peu près de même, si elle rencontre des paiemens qu’aucune pièce ne justifie, elle peut réclamer dans son rapport au roi. Le roi et les chambres apprécieront. »

Nous répondons que le roi et les chambres ne pourront pas apprécier, car la cour, ne sachant rien, ne pourra rien dire. Si le rapport de la cour se bornait à venir déclarer une fois par an que les pièces relatives à tels paiemens, montant à tel chiffre, n’ont pas été produites, du moment que le droit de refuser ces pièces serait dans la loi, le rapport ne ferait que signaler un fait régulier, légal, qui ne pourrait donner lieu à aucun reproche réel contre l’administration. On pourra, dites-vous, dénoncer les abus ; mais comment les reconnaître ? Est-ce par l’importance du chiffre des paiemens ? Ce chiffre ne veut rien dire. On peut commettre de grandes illégalités dans de petites dé-