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LA COUR DES COMPTES.

souveraine, avec les formes et tous les priviléges d’une magistrature inamovible, sont en vigueur, il faut évidemment qu’on reconnaisse à la cour des comptes le droit d’instruction, c’est-à-dire le droit de demander aux comptables les pièces qu’elle juge nécessaires pour éclairer ses décisions.

Mais il y a plus. Outre son action directe et immédiate sur les comptables, on a vu que la cour, dans l’intérêt même du gouvernement et des chambres, exerce une action indirecte sur les ordonnateurs. Elle rend ses déclarations publiques ; elle présente son rapport au roi. Quel est le but de ses déclarations ? D’attester la régularité de toutes les opérations comprises dans les comptes de ses justiciables et dans les comptes des ministres. Quel est le but du rapport ? De dénoncer les abus, et d’indiquer des vues de réforme. Or, quelle sera la base de ces déclarations ou de ce rapport, si la cour ne peut connaître la nature des dépenses soldées, si on lui refuse les justifications nécessaires pour apprécier la légalité et la régularité des paiemens ? Pourquoi ces déclarations publiques, pourquoi ce rapport au roi, si la cour, en principe, doit se borner à vérifier des additions de chiffres, et à comparer des lignes de comptes ? Est-ce là l’usage que le gouvernement et les chambres ont voulu faire d’un tribunal supérieur, que la loi nomme la seconde cour du royaume ? Cela n’est pas possible.

Le gouvernement et les chambres, depuis 1814, ne sont pas suspects dans les résolutions qu’ils ont prises à l’égard de la cour des comptes. Ils ont voulu lui remettre un contrôle sérieux, et lui donner les moyens de l’exercer pleinement. C’est une vérité qui ressort des faits nombreux que j’ai déjà signalés. Évidemment, lorsque le gouvernement a promulgué l’ordonnance de 1822, lorsqu’il a prescrit aux comptables de ne payer que sur pièces constatant que l’effet du paiement était d’acquitter une dette de l’état régulièrement justifiée, il a entendu que tout paiement devait être appuyé des titres propres à démontrer sa légalité, sa régularité, et que ces titres devaient être produits à la cour. Le gouvernement, dans cette occasion, était fidèle à son principe constitutionnel. Il voulait que le contrôle de la cour des comptes fût entier. Il ne songeait pas alors à l’article 18 du décret de 1807, qu’il devait du reste oublier pendant vingt ans. De même, les chambres, en invoquant le témoignage public de la cour des comptes, en l’appelant à seconder leurs travaux, en décrétant les lois de 1819 et de 1832 qui ont fait de la cour des comptes un corps politique, voulaient fermement que ce corps eût la liberté de se mouvoir dans ses attributions nouvelles. Les attributions ne sont