Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/786

Cette page a été validée par deux contributeurs.
782
REVUE DES DEUX MONDES.

elle doit les réclamer. Tel est le droit de la cour, tel est son devoir : on ne peut comprendre autrement l’application de la loi. Cependant l’administration a un sentiment tout opposé. L’administration n’a pas fait de règlement pour l’exécution de la loi du 29 janvier 1831 ; elle n’a pas indiqué à ses agens les pièces qu’ils auraient à produire pour justifier la légalité des paiemens en matière de créances périmées, non frappées de déchéance : l’administration en conclut qu’aucune pièce n’est exigible, et que la cour des comptes doit allouer les paiemens dont il s’agit, effectués sur simples mandats et sans aucune justification des droits des créanciers de l’état.

Sans aucun doute, cette prétention sera jugée excessive ; s’appuie-t-elle sur un fondement légal ? Nos lecteurs vont en juger. L’administration prétend qu’elle est dans son droit. Elle invoque un article du décret de 1807 ainsi conçu : « La cour ne pourra refuser aux payeurs l’allocation des paiemens par eux faits sur les ordonnances revêtues des formalités prescrites et accompagnées des acquits des parties prenantes et des pièces que l’ordonnateur aura prescrit d’y joindre. » Interprété dans son sens rigoureux, cet article signifie en effet que les ordonnateurs ont le droit de déterminer les pièces justificatives des paiemens soumis au jugement de la cour des comptes, et s’ils ont le droit de déterminer ces pièces, ils ont apparemment le droit de n’en déterminer aucune. Tel est du moins l’argument de l’administration ; et si l’on se reporte à l’esprit du décret de 1807 et aux habitudes arbitraires du régime sous lequel il a été rendu, cet argument paraît fondé.

Mais pourquoi donc invoquer ce décret de 1807 ? n’est-il pas abrogé par l’ordonnance de 1822 ? L’article 18 du décret de 1807 avait dit : Les caisses du trésor s’ouvriront devant les mandats à l’appui desquels l’ordonnateur aura mis pour toute justification le mot néant ; l’ordonnance de 1822 est venue dire positivement le contraire. Elle a ordonné que tout paiement serait valablement justifié. Elle a fermé les caisses du trésor devant le mot néant. Évidemment le décret et l’ordonnance ne peuvent se concilier sur ce point. L’article 18 et l’ordonnance ne peuvent exister simultanément. Si l’un est applicable, l’autre ne l’est pas ; et de ces deux prescriptions opposées l’une à l’autre, laquelle a pu cesser d’être applicable, si ce n’est la première, qui a été totalement changée par la seconde ?

Mais le décret de 1807 est une loi, dites-vous, et l’ordonnance de 1822 n’est qu’une ordonnance ; or, les ordonnances n’abrogent pas les lois ! Singulier argument, qui a pour effet de mettre le pouvoir