elle a prescrit l’apport des pièces nécessaires pour éclairer ses jugemens, et cette prescription, pendant près de vingt ans, n’a fait naître aucune difficulté. En effet, l’ordonnance de 1822 était formelle. Toutes ses conséquences avaient été prévues par l’administration. Les chambres et le gouvernement étant d’accord pour confier à la cour des comptes un contrôle sérieux, il était naturel, il était juste de lui laisser tous les moyens de l’exercer.
Ces principes, je le répète, avaient fait pendant vingt ans la base des jugemens de la cour des comptes, lorsqu’un désaccord survenu en 1838 les a fait mettre en doute par l’administration ; et un second désaccord s’est présenté en 1841 : il est mentionné dans le dernier rapport au roi qui vient d’être distribué aux chambres. Je n’entrerai pas dans le détail des questions. Tout se réduit à ceci : l’administration, d’après l’avis du conseil d’état, chargé par elle de prononcer sur deux pourvois dirigés contre deux arrêts de la cour des comptes, déclare que la cour n’a pas le droit d’exiger, au soutien des recettes et des dépenses soumises à ses jugemens, d’autres pièces justificatives que celles dont la production a été prescrite par l’administration elle-même : d’où il suit que la cour ne peut appliquer les lois dans le jugement des comptes si des instructions ministérielles n’ont pas réglé le mode de cette application. En d’autres termes, l’administration s’attribue le droit de régler ou de ne pas régler la nature des justifications à produire à la cour des comptes, ce qui veut dire qu’elle se réserve le droit de ne pas exécuter la loi, si bon lui semble.
Prenons un exemple pour rendre les conséquences de cette prétention plus manifestes. Une loi est votée par les chambres. Cette loi décide que les créances contre l’état seront prescrites à son profit et définitivement éteintes, lorsque, par le fait des ayant droit, elles n’auront pu être liquidées ni ordonnancées dans la période de cinq ans. La loi ajoute que cette disposition n’est pas applicable aux créances dont l’ordonnancement et le paiement n’ont pu être effectués, dans les délais déterminés, par le fait même de l’administration ou par suite de pourvois formés devant le conseil d’état. Telle est la loi du 29 janvier 1831. Que doit faire la cour des comptes d’après cette loi ? Évidemment, lorsque des créances contre l’état ont été soldées plus de cinq ans après l’ouverture du droit des créanciers, la cour doit rechercher pourquoi ces créances ont été payées, pourquoi elles n’ont pas encouru la déchéance ; elle doit vérifier les pièces constatant que ces créances sont dans les cas d’exception prévus par la loi, et si ces pièces n’ont pas été produites,